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Piraterie maritime

Dialogue de sourds entre New Delhi et Rome (maj)

(BRUXELLES2) L'affaire des fusiliers marins du Enrica Lexie a conduit à une nouvelle saute de tension entre l'Inde et l'Italie. L'auto-libération des deux fusiliers marins a provoqué la colère du gouvernement indien. La Cour suprême a estimé, jeudi (14 mars), que l'ambassadeur italien Daniele Mancini avait violé son serment et a ordonné une interdiction de sortie du territoire. Celui-ci est donc consigné à sa résidence. L'ordre a été notifié à tous les aéroports du pays vendredi (15 mars). Le président de la Cour suprême indienne, Altamas Kabir, a indiqué lundi (18 mars) que l'ambassadeur s'étant engagé devant le tribunal avait renoncé par là-même à son immunité. Une position confirmée par le ministère indien des Affaires étrangères. Et l'avocat indien de l'Italie s'est désisté ce lundi, estimant avoir été dupé, comme il l'a indiqué au Times of India.

Dialoguez SVP dit-on à Bruxelles

Côté européen, on est peu gêné de la tournure prise par les évènements. L'ambassadeur européen à New Delhi a aussi été convoqué - "invité" - au ministère des Affaires étrangères pour se voir expliquer la position du gouvernement indien. « Comme nous le disons depuis le début du dossier, nous encourageons l'Italie et l'Inde à trouver une solution satisfaisante pour les deux parties, basées sur la convention de l'ONU sur le droit de le mer et le droit international, en explorant toutes les voies pour une solution amiable » explique le porte-parole de Cathy Ashton, la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères. Il a également précisé que la « Convention de Vienne (sur la protection des diplomates) devait être respectée » « Par toutes les parties » a-t-il ajouté après la question d'un de mes collègues italiens.

Commentaire : il pourrait être intéressant pour l'Union européenne de proposer son arbitrage dans la situation qui parait bloqué. Les deux fusiliers marins doivent être jugés car il y a eu, au final, un acte mortel. Et celui-ci peut être qualifié de non intentionnel. Mais ce jugement pourrait avoir lieu dans un autre pays que le leur afin de pouvoir garantir une certaine "sérénité" diplomatique et de la justice. Il serait aussi souhaitable que l'Inde s'explique sur les actions "robustes" qu'elle a mené dans la lutte anti-pirates qui ont abouti à la mort de plusieurs personnes qui n'étaient pas pirates. Un navire "européen" est au moins intervenu à une reprise pour apporter des secours aux victimes.

Lire aussi : Les fusiliers marins se font la belle… Un retour au pays “sur instruction”

(Mis à jour) Le ministère des Affaires étrangères a résumé sa position dans un communiqué publié lundi.

  • Violation du droit international : « l'Italie continue de croire que le cas de ses deux (Fusiliers) Marins doit être réglée conformément au droit international. En ce sens, nous proposons de soumettre à l'arbitrage ou un autre mécanisme juridictionnel pour résoudre l'affaire. »
  • Base de la déclaration : « la demande au gouvernement de l'Inde de tenir des consultations conformément à l'art. 100 et art. 283 de la Convention sur le droit de la mer (UNCLOS) n'a pas encore reçu des commentaires. (Cette) possibilité avait été prévue par l'arrêt de la Cour suprême du 18 Janvier dernier ». (...) Pour l'Italie, le retour des fusiliers marins en Inde « serait en contradiction avec nos exigences constitutionnelles (respect du juge naturel prévu par la loi,'interdiction de l'extradition des nationaux...). Les lettres rogatoires transmises en temps opportun pour permettre une procédure pénale en Italie sont restées sans réponse. »
  • Différend international : le gouvernement italien a décidé de « formaliser le 11 Mars l'ouverture d'un différend international ».

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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