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Bilan d’un an pour Atalanta

(BRUXELLES2) L'heure du bilan d'un an arrive pour l'opération européenne anti-piraterie EUNAVFOR Atalanta qui sera, certainement, reconduite pour une année supplémentaire, "jusqu'à décembre 2010", par les Ministres des Affaires étrangères et de la Défense, réunis à Bruxelles à la mi-novembre. Le groupe politico-militaire vient d'en résumer les principaux points. La plupart sont connus des lecteurs de ce blog. Mais certains éléments (coopération avec le Puntland, possible participation de nouveaux Etats tiers, suivi des suspects faits prisonniers...) sont intéressants. 

Effectifs. Actuellement 22 Etats (20 membres de l'UE et 2 Etats tiers) participent à l'opération et sont représentés soit au QG d'opération (OHQ) de Northwood (Royaume-Uni), soit au QG de Force (FHQ) sur mer (Océan indien). Parmi eux, 11 Etats (Belgique, France, Allemagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Suède, Royaume-Uni) dont un non membre de l'UE (Norvège) ont envoyé des moyens sur place (1). 9 navires sont actuellement "sur zone" et 2000 hommes et femmes déployées à bord des navires et avions de patrouille maritime. Mais, depuis décembre 2008 (début d'Atalanta), ce sont 33 navires de guerre (frégates et corvettes), 4 navires ravitailleurs et 5 avions de patrouille maritime ont participé à l'opération. Au niveau des futures participations, Atalanta confirme avoir envoyé une invitation formelle à l'Afrique du Sud et maintenir des contacts étroits avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. L'opération se déroule en lien étroit avec la CTF 151 (USA et autres Etats) et la mission de l'OTAN (CTF 508) (NB : notamment à travers l'accès au chat sécurisé). Une coopération s'est également établie avec la plupart des Etats présents dans la zone avec des forces navales et/ou riverains : Chine, Russie, Arabie Saoudite, Japon, Malaisie, Yemen, Oman, Egypte et Seychelles.

Succès pour l'escorte du PAM. Au 1er octobre, EUNAVFOR avait escorté 49 navires du Programme alimentaire mondial, soit 307.000 tonnes de nourriture permettant de nourrir plus de 1,6 Somalis, selon l'Union européenne. Une "tâche assurée avec un taux de réussite à 100%" explique le document. Elle a également assuré un soutien à l'opération de l'ONU/UA en Somalie (AMISOM) en assurant l'escorte de 6 navires de l'AMISOM. Une tâche qui devrait se développer dans l'avenir, l'ONU ayant décidé d'augmenter son soutien logistique à l'AMISOM. Concernant les navires marchands, la mise en place du couloir de transit recommandé international (IRTC), et le dispositif des groupes de transit (avec escorte de navires marchands prise en charge par chaque navire des forces internationales à tour de rôle, et division de la zone en "box" géographiques permettant d'assurer une meilleure couverture), largement impulsé par l'opération européenne, a permis de sécuriser la zone.


L'arrestation et traduction de pirates. C'est un des points innovants de l'opération européenne (par rapport aux autres interventions). Un accord de transfert a été passé avec le Kenya et un autre avec les Seychelles. Une aide de 1,75 millions d'euros a été fournie au Kenya pour soutenir son secteur judiciaire (2). "Les discussions continuent avec les autres pays de la région pour établir d'autres arrangements de transfert et poursuite des pirates suspects". Au niveau du bilan, "70 suspects ont été capturés, 68 transférés au Kenya, 2 en Espagne", selon le bilan Atalanta (mon bilan est légèrement différent car il prend en compte aussi les pirates capturés en opération Atalanta mais transférés, ensuite, sous pavillon national : Seychelles avant l'accord, et Puntland-Somalie par arrangement tacite de la France, voir la page actualisée).
Concernant les procédures suivies, "des instructions spécifiques ont été données pour le traitement de ceux qui sont détenus à bord". Et, au Kenya, un suivi des personnes transférés a été effectué. "A la demande d'Atalanta, la Croix-Rouge kenyane et une ONG locale ont visité les prisonniers"

La réduction de la piraterie, Puntland et Somaliland. Les militaires européens restent réalistes. L'opération Atalanta "ne va pas résoudre le problème de la piraterie". Ils
rappellent aussi, non sans raison, que la zone couverte (Golfe d'Aden, sud de la Mer rouge, une partie de l'Océan indien jusqu'aux Seychelles) représente l'équivalent de la Méditerranée. "L'éradication de la piraterie dans la région ne pourra être réalisée seulement avec la stabilisation de la Somalie." C'est tout l'enjeu de "l'approche globale" que poursuit actuellement l'UE couvrant aussi bien "les aspects humanitaire, développement, de sécurité et politique" comme le soutien européen au gouvernement fédéral de transition de Somalie (GFT), maintes fois réaffirmé (3). Pour la première fois, noir sur blanc, l'UE reconnaît avoir établi des contacts (je pourrais ajouter : réguliers) avec les régions autonomes du Puntland et du Somaliland, "en toute transparence avec le GFT"  (Une des pistes suivies, en effet, par l'UE consisterait à soutenir la stabilité dans ces deux régions qui semblent plus facilement aptes également à organiser la lutte anti-piraterie).

(1)
NB : 11 autres ont des effectifs en personnel plus limités souvent à l'Etat-Major (Bulgarie, Chypre, Finlande, Hongrie, Irlande, Lettonie, Malte, Pologne, Roumanie, Slovénie et Croatie*)

(2) NB : L'octroi d'une aide - 800.000 euros - pour les Seychelles semble toujours en cours et difficile à conclure selon d'autres éléments qui me sont parvenus.

(3) Dans son document programmatique sur la Somalie, la Commission européenne a prévu une somme de 215,8 millions d'euros pour la Somalie au titre du Fonds européen du Développement. Somme à laquelle il faut ajouter 45 millions d'euros versée cette année pour l'aide humanitaire (estimation pour 2009). Au niveau politique, Javier Solana a reçu récemment le Premier ministre de Somalie
pour lui réaffirmer le soutien de l'UE (télécharger la déclaration).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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