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L’Europe peine à accueillir les réfugiés, Syriens y compris (Maj)

sauvetage des rescapés par les gardes cotes italiens le 4 octobre (crédit : Guardia Costiera - gardes côtes italiens)
sauvetage des rescapés par les gardes cotes italiens le 4 octobre (crédit : Guardia Costiera - gardes côtes italiens)

(BRUXELLES2) 30.000 réfugiés seulement ont été accueillis en provenance de Syrie sur les deux millions qui ont fui le pays, depuis le conflit, l'Europe ne fait pas dans la générosité. C'est le moins qu'on puisse dire. L’Union européenne se refuse pour l’instant à ouvrir la clause de protection temporaire, permettant d’accueillir sur son sol un nombre plus important de réfugiés. Il n'y a pas "d'afflux massif" actuellement et rien qui justifie d'ouvrir cette clause expliquait encore il y a peu, le porte-parole de la commissaire chargée des Affaires intérieures, Cecilia Malmström. Le drame de Lampedusa - et ses quelque 300 personnes naufragées et décédées - semble cependant ouvrir un peu les yeux sur le drame non seulement des Syriens mais des réfugiés que la "forteresse" Europe rejette de ses côtes. Le président de la Commission européenne, José-Manuel Barroso, s'est décidé à faire le "pélérinage" jusqu'à la Sicile pour rendre hommage aux victimes, à la demande du gouvernement italien (un deuil national d'un jour a été décrété).

L’Allemagne et la Suède, plus généreuses

Les Syriens sont cependant devenus en 2012 le groupe de nationalité le plus nombreux à avoir demandé et obtenu le statut de réfugié en Europe. Sur les 18 700 Syriens qui ont obtenu le statut en 2012, plus des 2/3 sont enregistrés dans deux États membres: en Allemagne (8 400) et en Suède (5 000). Mais les « petits » pays ne sont pas en reste : 564 réfugiés accueillis à Chypre, 595 en Belgique, 770 au Danemark, 870 en Autriche. A côté, la France et ses 627 Syriens qui ont reçu le statut de demandeur d’asile fait bien pâle figure. A l’époque, il y avait à peine un million de réfugiés. Et, depuis la situation s’est aggravée sur le terrain.

Des boat people syriens

Aujourd’hui on dénombre plus de 2 millions de réfugiés enregistrés par les organisations internationales. Les pays proches de la Syrie — la Turquie, la Jordanie, le Liban suffoquent. Les Syriens sont arrivés aussi en nombre en Égypte (le HCR en recense près de 120.000). Beaucoup commencent à tenter leur chance pour rejoindre par bateau le continent européen. Les gardes-côtes bulgares et roumains, pays riverains de la mer noire, voient arriver de plus en plus de petits bateaux au large de leurs côtes chargés de ce qu’ils considèrent comme des clandestins. « Ces derniers 40 jours, environ 3300 Syriens, dont 230 enfants non accompagnés, sont arrivés en Italie, surtout en Sicile » a expliqué le porte-parole du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) aux journalistes.

Des pays volontaires

Face à cet afflux, plusieurs pays ont annoncé vouloir accueillir plus de réfugiés. Après s’être un peu faite tirer l’oreille, l’Allemagne a offert 5.000 places au HCR pour des personnes qui ont besoin d’une « protection particulière ». La Finlande pourrait en accueillir 1000, l’Autriche 500, etc. La Suède a annoncé, c’est le premier pays à l’avoir fait, accorder l’asile à tous les demandeurs syriens. Et la France ? 700 demandes d’asile ont été déposées depuis le début de l’année annonce l’Ofpra, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Bien faible pour un pays qui s’affirme en pointe pour la lutte contre le régime de Bachar…

Pour une conférence sur les réfugiés

Chaque pays européen répond cependant en ordre dispersé, selon un agenda national. Aucune coordination ne s’est faite au niveau européen. Du moins pour l’instant. Et bien peu de politiques évoquent la question. Au Parlement européen, lors du débat sur la Syrie, jusqu'à peu, seuls le groupe Libéral Démocrate et les Verts avaient évoqué ouvertement le sujet. « Nous pouvons et devons faire davantage maintenant pour ceux qui sont piégés dans des conditions terribles aux abords des frontières de la Syrie » a ainsi affirmé l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, leader des libéraux et démocrates. Il faut « convoquer d'urgence une conférence humanitaire afin de trouver un accord sur l'octroi d'une protection temporaire aux réfugiés fuyant le conflit ». Une résolution en ce sens devrait être voté par le Parlement européen réuni en plénière à Strasbourg cette semaine (détails sur le Club). Et les ministres de l'Intérieur et de la Justice vont se saisir ouvertement du sujet ce mardi à Luxembourg. Effet Lampedusa !

(maj) Une question très européenne

Du côté belge, on a déjà réagi par la voix du ministre des Affaires étrangères. « Les événements de Lampedusa ont une dimension européenne. Ils soulignent tragiquement la nécessité d’une politique européenne de l’immigration globale, solidaire et équilibrée. Le contrôle des frontières extérieures ne constitue qu’un des éléments de cette politique. » a expliqué Didier Reynders. « L’Union doit prévenir la répétition de tels drames notamment en luttant plus fermement contre les réseaux criminels qui exploitent la détresse des migrants, en développant des programmes permettant d’améliorer les conditions de vie dans les régions d’origine, et en renforçant son dialogue et sa coopération avec les pays d’origine et de transit. »

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : cet article a été publié dans Ouest France dans une première version

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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