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La Belgique : plouf ! Pas de gouvernement mais toujours des priorités UE

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(BRUXELLES2) La Belgique sans gouvernement continue de se préparer à sa future présidence européenne qui commence le 1er juillet. Les priorités "Défense" ont été définies et sont désormais, à peu près connues, ainsi que Pieter de Crem (l'actuel ministre de la défense) l'avait annoncé il y a quelque temps à la Chambre des députés puis en plus petit comité.

Une philosophie de rupture et plus orthodoxe

L'objectif de cette présidence belge ne s'inscrit pas "dans la continuité" explique De Crem qui plaide pour une «philosophie de rupture. Un saut qualitatif, sans tergiversations, permettant au président permanent du Conseil européen et au Haut représentant d'assumer  résolument et sans attendre la représentation externe de l'UE ».   Il n’entre pas dans nos intentions de livrer des combats d’arrière-garde pour s’offrir une place sous les projecteurs ». ajoute-t-il.

La Belgique ambitionne ainsi « de veiller à ‘l’orthodoxie’ institutionnelle, et donc d’assister le plus possible le Président permanent du Conseil européen et la Haute Représentante dans l’accomplissement efficace et absolu de leurs nouvelles tâches ». Ca tombe bien ! D'une certaine façon, la crise gouvernementale en Belgique ne pourra qu'aider à la réalisation de ces objectifs.

En top priorité de cette présidence qui aura un rôle limité : mettre en place le service diplomatique, renforcer l'agence européenne de défense, mettre en place une académie diplomatique européenne, approfondir la répartition des tâches OTAN-UE (pour économiser des efforts) et si on peut mettre en place un quartier général civilo-militaire.

La présidence tournante : un rôle limité institutionnellement

En matière extérieure, en effet, le rôle de la présidence tournante est institutionnellement limité. Il s'efface au profit des instances permanentes voulues par le Traité de Lisbonne: Président du Conseil européen et Haute représentante. Après la présidence de transition espagnole, la Belgique est le premier pays à travailler complètement dans le nouveau format de Lisbonne. La Belgique n’occupera plus ainsi le siège de la Présidence pour la politique extérieure, la Sécurité et la Défense, que ce soit au niveau politique (Conseil européen, Conseil des Affaires étrangères et de la Défense), technico-politique (COPS), militaire ou technique (groupes de travail). Elle ne pourra pas non plus fixer ou proposer les ordres du jour et ne sera plus l’artisan des débats dans les groupes de travail et au Conseil.

Un rôle d'honest broker

La nouvelle Présidence est bien consciente de ce rôle limité. Elle « devra agir en appui du Président permanente et de la Haute Représentante et agir par l’entremise de leur influence, leurs réseaux, leurs alliés, de non-papers et de séminaires. » est-il mentionné. «
En tant qu’un des pays fondateurs de l’Union, en tant que pays hôte des principales institutions européennes et carrefour de diverses tendances, cultures et communautés linguistiques, la Belgique a tout intérêt à jouer en toute impartialité le rôle de médiateur (‘honest broker’) »... sans commentaire 

Première priorité : la mise en place de Lisbonne

La première priorité est "la mise en place effective du service européen pour l'action extérieure et autres nouveautés du traité" et "faciliter la bonne application des nouvelles règles de fonctionnement de l'Union et du partage des tâches entre le président permanent du Conseil européen, la présidence tournante, la Haute représentante et la Commission".

Une nécessité pour le ministre. "L’Occident n’est plus incontournable. Nous ne pouvons donc plus avancer en ordre dispersé et nous n’en avons d’ailleurs plus les moyens. Il me paraît dorénavant indispensable de travailler ensemble".

Autres avancées de Lisbonne : qui va sano ...

Concernant les nouvelles clauses, d'assistance mutuelle et de solidarité, la présidence belge compte avancer « avec circonspection, ‘festina lente’ et d’ici à ce que l’Union puisse les aborder, il passera bien de l’eau sous les ponts, me semble-t-il », explique De Crem. Pour la Coopération structurée permanente (CSP), même prudence. « La Belgique suivra de près l’évolution des discussions à ce sujet ainsi que du raisonnement sous-jacent ». On a connu plus d'enthousiasme ! Il est vrai que le texte du Traité « est très flou sur le sujet » comme  l'explique le Ministre de la défense belge et que la discussion est plutôt difficile (1). Le point central étant de trouver le juste équilibre entre inclusivité et ambition (2).

Une agence qui doit devenir le creuset de la défense européenne

La base juridique de l’Agence devra être adaptée au nouveau Traité de Lisbonne. L’Agence poursuivra évidemment ses activités actuelles, mais elle va recevoir de nouvelles tâches avec la coopération structurée permanente. Il faudra donc la renforce « Devenue en quelque sorte le creuset de la défense européenne, c’est dans le cadre de cette Agence, bottom-up, que nos militaires consolideront la collaboration militaire européenne. » estime la présidence belge.

Une académie diplomatique européenne

La Belgique plaide pour un rôle nouveau du collège européen de défense qui devrait se transformer en Académie diplomatique européenne. « Il nous paraît impensable que l’European Citizen Action Service ne dispose pas d’une Academia Diplomatica Europaea. Le Collège européen de Sécurité et de Défense” (European Security and Defence College) est à nos yeux l’institution qui se prête le mieux à l’enseignement de toute la gamme des formations en matière de politique de sécurité et de défense. Le CESD pourrait aussi jouer un rôle clé dans l’élaboration et la proposition de formations standardisées pour le personnel envoyé en mission à l‘étranger. »

Un quartier général civilo-militaire... mais chut !

L'intérêt d'une telle structure est évident, on le sait. « La mixité civile et militaire dans les opérations, une ‘approche globale’ telle est la spécificité de l’approche européenne de la gestion de crises. Toutefois l’Union ne s’est pas encore dotée d’une structure cohérente et efficace de planification et de conduite des missions et opérations. Ce point est souvent mis à l’ordre du jour, ou si tel n’est pas le cas, il se profile en toile de fond. Nous restons disposés à répondre aux éventuelles demandes de nos partenaires. » est-il écrit.Un peu léger peut-être pour un sujet d'importance ?

J'ai posé la question aux personnes intéressées. La réponse est unanime, du coté belge. la Belgique n'entend pas avancer de façon trop impulsive, trop voyante. « Ce n'est pas l'intérêt de la Belgique de prendre le lead sur ce dossier. Car viendront immédiatement des oppositions. Nous avons tous en mémoire, ce sommet des pralines qui n'a débouché sur rien et a figé le débat pour des années » m'a expliqué un haut responsable de la défense belge à qui je posais la question. « En revanche, si un pays présentait une initiative, nous la  soutiendrons ». Tous les regards à Bruxelles se tournent ainsi vers la Pologne, en particulier, qui a fait de la défense une priorité.  C'est le sens de la communication officielle.

Tenter d'avancer sur la coopération UE-OTAN

Ainsi si la Belgique n'ambitionne pas de résoudre le problème de Chypre et des relations UE-OTAN, elle entend être à disposition pour « agir là où c'est utile et répondre à toute demande ». De façon plus générale, De Crem considère que le rapprochement et la collaboration entre l'OTAN et l'UE doit être poursuivi, pas à pas tout doucement. «Nous savons tous que chacun des pays concernés n'a qu'une seule armée. Et toute duplication est inutile. La crise financière et budgétaire peut nous offrir une chance de renforcer la collaboration capacitaire ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Personne ne veut prendre le lead pour la coopération structurée ...

(2) lire la Coopération structurée permanente vue par la Belgique

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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