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En 2012, alternance et relance de la défense européenne (libre tribune)

(B2 - libre tribune) Louis Gautier, spécialiste de la défense au PS, m'a transmis un "papier" qui contribue au débat sur la défense européenne à l'aune de la campagne électorale actuelle.

« La crise de l'euro occulte complètement  la maladie de langueur qui affecte la défense européenne depuis plusieurs années. L'ambition, affichée  dans le traité de Maastricht,  affirmée dans le traité de Nice et confortée par celui de Lisbonne, est en panne sur le triple plan politique, militaire et industriel. Aujourd’hui, l’Europe de la défense apparait sinistrée. Après 2007, aucun grand projet de coopération militaire ou industrielle, aucune véritable avancée dans la mise en œuvre concrète de la PSDC n'a été enregistré.

Cette désaffection est d'autant plus préoccupante qu'elle signale un étiolement des convictions selon lesquelles les Européens ont collectivement à relever le défi de leur destin commun dans l'Union. Les divergences de vues sur la Libye, les décisions  non concertées sur l'Afghanistan, l'absence de position stabilisée sur la DAMB, la tendance centrifuge manifestée par l’étroit projet de coopération franco-britannique sont autant de signaux d'un affaiblissement inquiétant de l'esprit de défense européen. Si l'on ajoute à cela, la poursuite du désarmement budgétaire de l'Europe engagé depuis 20 ans mais renforcé par la crise, il y a tout lieu d'être alarmé.

Le XXIe siècle ne met pas l'Europe à l'abri du danger même si, militairement, elle ne se trouve plus au cœur des enjeux stratégiques mondiaux.  Pour autant, le désengagement  militaire américain du Vieux continent, la rétractation relative  du dispositif  des Etats-Unis en Méditerranée, leurs préoccupations à éclipses à l'égard  de l'Afrique devraient inciter les Européens  à définir et à assurer eux-mêmes plus directement certains de leurs intérêts de sécurité.

Laisser les querelles institutionnelles...

A cet égard, les questions se posent dans les mêmes termes à l'OTAN et à l'UE : quelle vision, quel concept, quels moyens stratégiques européens ? L’absence de réponses entrave aujourd’hui  tout autant le bon fonctionnement de l’OTAN que l’affirmation de l’UE. De ce fait, les querelles institutionnelles devraient rester derrière nous.

Encore faut-il avoir conscience que la consolidation et la rationalisation des capacités militaires européennes  ne peuvent pas se faire sans projet politique et que celui-ci se situe nécessairement d'abord dans l'UE qui constitue le cadre de définition pertinent. Par rapport à la politique menée par Nicolas Sarkozy qui tourna le dos à la défense européenne, l'alternance politique en France devrait donc chercher à favoriser une relance de la construction de la défense européenne.

Face au scepticisme ambiant, il ne s'agit pas de répéter " Europe de la défense, Europe de la défense" comme un mantra mais d'être avant tout pragmatique :

  • en poursuivant les efforts d'approfondissement de la relation franco-britannique de défense mais , en revivifiant aussi la coopération franco-allemande et en favorisant les convergences avec tous nos partenaires européens et notamment les Belges, les Espagnols, les Italiens, les Polonais qui sont demandeurs ;
  • en explorant toutes les pistes permettant une rationalisation des appareils militaires des pays membres de l'UE : mutualisation des moyens nationaux  existants, programmation collective des équipements  futurs, spécialisation des tâches, renforcement  de  capacités  communes, critères de convergence ... ;
  • en oeuvrant simultanément dans le sens de la consolidation de la base technologique et industrielle européenne, ce qui suppose des rapprochements d'entreprises, un soutien à l'effort de recherche aéronautique et de défense, des choix en matière de sélection  des compétences et des capacités  critiques mais aussi une attention portée aux conditions de la concurrence sur le marché intérieur et de la compétition à l'export ;
  • en agissant sans exclusive dans le cadre plénier de l'UE et des institutions de la PSDC, au sein de l'OTAN notamment pour y développer les synergies européennes et par le biais de coopérations multinationales "structurée" ou "ad hoc".

En matière de défense européenne, les résultats concrets doivent primer sur  l'esprit de système. Encore faut-il que quelqu'un rallume, en France, le flambeau européen éteint par les vents contraires qui l’ont soufflé durant la présidence de Nicolas Sarkozy. »

Louis Gautier

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Une réflexion sur “En 2012, alternance et relance de la défense européenne (libre tribune)

  • Monsieur Gautier livre une sorte de catalogue intentionnel qui ressemble assez à ce que l’on a pu lire en la matière, au sein de l’Europe depuis de nombreuses années. Quels seraient les évènement qui pourraient provoquer à la fois une prise de conscience de la fragilité de notre état et une suite de décisions susceptibles d’amorcer un changement…?
    Je vois au sein de l’ensemble géographique Européen 2 pôles d’instabilités récurrents; d’une part le centre Europe Balkanique dont on nous dit que l’intégration serait en bonne voie et le bassin Méditerranéen dont les rives sud et est forment les deux mâchoires de la tenaille illustrant la crise présente et celle qui viendra…..Qui nous parle de ces difficultés avec l’évocation d’une Défense possible pour nos pays? Une défense structurée autour de moyens, légitimée par des options politiques et EXPLIQUEE aux Peuples concernés…..

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