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Le BPC un formidable “couteau suisse”

(BRUXELLES2 à Toulon) J'ai pu découvrir aujourd'hui le Dixmude, le troisième BPC (bâtiment de projection et de commandement) mis en service par la Marine nationale. Un "formidable couteau suisse" comme se plaisent à le souligner les marins fiers de leur bateau tout neuf. Et effectivement, il y a de quoi être séduit.

Imposant

Long de presque 200 mètres, large de 32 mètres, un BPC reste imposant à quai avec ses ponts superposés. Et son autonomie - 11.000 miles (20.000 km) - lui permet de parcourir différentes missions. La vitesse maximum 18 noeuds est plus que convenable.

Dans ses entrailles, peuvent se loger 16 hélicoptères. Et sur le pont, 6 emplacements sont réservés pour permettre l'atterrissage d'hélicoptères, d'attaque (Caracal, Tigre...) ou de transport (Puma, NH90...) et de 2 autres hélicoptères plus légers (type Gazelle). Un Etat-major de 150 personnes - voire plus - peut prendre place avec les différents standards de connectique en usage au niveau national comme de l'OTAN. Durant l'opération Harmattan en Libye, il a pouvait ainsi parcourir en une nuit une bonne partie de la côte libyenne.

Un hôpital de bord, avec 2 salles de chirurgie, radio de bord, voire scanner, et une soixantaine de lits. Au besoin il peut être complété par l'arrivée d'éléments chirurgicaux ou de modules médicaux supplémentaires. Un radier permettant l'accueil de plusieurs chalands de débarquement : — 4 s'il s'agit des anciens CTM (chalands de transport de matériel) ou 2 pour les plus modernes EDA-R (Engins de débarquement amphibies rapide) — qui assurent la capacité amphibie du navire. Cela peut paraître facile, a priori. Mais l'arrivée de ces navires dans le navire requiert un certain savoir-faire. Pour "garer" l'EDA-R il n'y a que 40 cms de chaque coté. Avec un peu de houle, et l'effet spécifique des vagues dans le radier, la dextérité et le sang-froid sont requis...

L'EDA-R a l'entrée dans le radier du Dixmude. Un système de balasts permet de vider l'eau ou de le remplir

Son principal atout reste cependant dans son hangar qui peut se prêter à différents emplois. Au gré des missions, il sert de parking pour le transport de véhicules (80 en tout) ; peut se transformer en hall d'accueil pour l'évacuation de ressortissants (1500 sur une courte durée, 500 si la traversée est plus longue qu'une ou deux journées) avec l'installation de lits picots au besoin ; voire permettre l'extension des salles d'Etat-Major ou de l'hopital de bord, etc. Les salles elles-mêmes sont reconfigurables au besoin à l'aide de cloisons amovibles. Bref le navire s'adapte au gré des circonstances et des missions. Ce qui le rend particulièrement adapté à toutes sortes de missions : évacuation de ressortissants (Liban 2006), secours en cas de catastrophes (Haiti), commandement d'une opération maritime, base d'hélicoptères (Harmattan), transport de troupes et moyens de débarquement, formation (mission Jeanne D'arc) etc.

Ses couloirs assez larges permettent à de nombreuses personnes de se croiser sans se gêner comme aux brancards de passer. Sa structure de vie est plutôt confortable, pour un navire de guerre. Il n'est pas trop étonnant que les Russes aient été séduits. La raison du succès de cette tient aussi à son mode de conception. Au niveau opérationnel, « il a été conçu par une équipe mixte de marins et de terriens » ; certains détails ont ainsi été étudiés pour permettre l'accueil des troupes, comme ces tiroirs sous les lits permettant d'accueillir les armes personnelles (type Famas).

Au niveau industriel, sa conception et sa construction ont été empruntées aux navires civils : notamment la construction par zones et l'assemblage. Ce qui a permis d'avoir un coût relativement modique pour ce type de navires : 400 millions d'euros environ pour les premiers (Mistral entré en service en 2006 et Tonnerre mis en service en 2007), 550 millions d'euros environ pour le Dixmude (entré en service en 2012, doté d'une autre motorisation et de différents aménagements supplémentaires). Revers de la médaille, il n'est pas autoprotégé. Et en zone de crise, a besoin d'être accompagné par des frégates (anti-aériennes ou/et anti-sous-marines...). Seuls deux canons de bord permettent de lutter contre des menaces asymétriques, pas de faire de la guerre navale. Ce n'est d'ailleurs pas son rôle.

Commentaire : Ce type d'équipements très modulaire, adapté à toute une série de conflits actuels ou de menaces futures paraît très bien adapté à la nouvelle donne stratégique. Sans doute mieux que certains autres équipements. On peut même se dire qu'à terme, ce type de bateau pourrait remplacer un porte-avions, si l'utilisation des drones continue à se développer et se perfectionner (nb : certains experts diront sans doute, à plus ou moins juste titre. Mais ce n'est pas du tout la même chose. Simplement, projetons-nous dans 10 ou 20 ans,... ).

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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