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GFT, Erythrée, Al-Shabaab et autres milices… les fauteurs de trouble en Somalie

(BRUXELLES2) Voici un rapport épais, documenté que toute personne qui s’intéresse un tant soit peu à la Somalie et la Corne de l’Afrique se doit de lire attentivement. Rédigé par un comité d’experts des Nations-Unies, chargé de suivre les résolutions sur la Somalie et l'Erythrée, il apparaît loin de la langue de bois, avatar des rapports officiels, et met bille en tête le doigt sur les fauteurs de trouble. Le rapport pointe en effet plusieurs causes d’instabilité. Bien sûr celle des Shabab (les milices islamiques) mais pas seulement. Le gouvernement fédéral de transition somalien (GFT) en prend pour son grade. Et sans détour. Une mention particulière est faite de l’Erythrée également dont sa responsabilité sur l'instabilité courante en Somalie.

Le GFT principal responsable de la situation

Les principaux obstacles à la sécurité et la stabilisation dans la Somalie du sud résident dans le manque de leadership du GFT - le gouvernement transitoire somalien -, son manque de vision et de cohésion, sa corruption endémique et l'échec dans les avancées du processus politique. Les « tentatives du gouvernement de monopoliser le pouvoir et les ressources ont aggravé les frictions à l'intérieur des institutions transitoires, empêché le processus de transition et miner la guerre guerre contre Al-Shabaab. »

Le trésor de guerre des islamistes : environ 100 millions $

Des groupes qui gardent leur capacité de nuisance grâce à des ressources importantes. Le groupe d'experts estime qu'ils disposent d'un revenu de 70 à 100 millions $ par an « venant de la taxation et de l'extorsion dans les zones sous leur contrôle, notamment par l'export de charbon et la contrebande frontalière avec le Kenya. » Mieux ! « Nombre d'entrepreneurs somaliens préfèrent traiter avec les Shabaab, vu la corruption et les pratiques prédatrices en cours au GFT »

Les sociétés privées

L'engagement de sociétés privées de sécurité, pour dissuader les pirates ou assurer la sécurité à terre est une « préoccupation grandissante » indique le rapport. Cet engagement s'effectue sans un cadre réglementaire solide et les pratiques opératoires de beaucoup de sociétés privées de sécurité sont « opaques  ». Le rapport estime qu'au moins deux d'entre elles ont commis des « violations significatives de l'embargo sur les armes, en équipant et entraînant de manière non autorisée les milices somalienne, l'une étant impliquée dans le trafic d'armes et de drogues ».

Le rôle de l'Erythrée

L'implication du pays voisin représente une « petite part de l'équation globale mais perturbante » avec à la clé « d'importantes activités d'opérations spéciales ou de renseignement, incluant entraînement, soutien logistique et financier à des groupes d'opposition armés à Djibouti, en Ethiopie (Nb : le frère ennemi), au Soudan et sans doute en Ouganda ». Cette implication de l'Erythrée ne peut être comprise que dans le contexte de son litige de frontières toujours non résolu avec l'Ethiopie. Parmi les évènements sgnificatifs, le rapport retient la planification et l'exécution d'un attentat raté contre le sommet de l'Union africaine à Addis Abeba. Une guerre larvée continue entre Ethiopie et Erythrée ; et c'est la Somalie qui en fait les frais.

Une situation sécuritaire variant suivant les régions

La moitié environ du territoire somalien est contrôlée par des autorités plutôt stables et responsables qui ont démontré à des degrés différents une certaine capacité à procurer la paix et la sécurité à leurs populations » souligne le rapport. C'est le cas au Somaliland - où les autorités maintiennent sécurité et stabilité, préservant leur côte des attaques pirates - mais aussi dans une certaine mesure au Puntland, où l'administration a « maintenu une paix et stabilité relative, bien que des assassinats ciblés aient atteint un sommet dans les principales villes, et ont fait quelques progrès contre la piraterie » ; le risque provient du sud où les milices de Mohamed Sa'iid Atom ont fusionné avec celles de Al-Shabaab. En Somalie centrale, les autorités embryonnaires comme l'Etat du Gaalmudug, de Himan iyo Heeb ou Ahlu Sunna wal Jama'a dans la région ont également un semblant de sécurité.

Commentaire : cette analyse conforte certains entretiens avec des responsables européens sur la Somalie qui semblent las de la position du GFT et plus enclins à entretenir des relations directes avec les régions autonomes ou semi-autonomes, même si le langage officiel reste le soutien au GFT.

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Télécharger le rapport des experts des Nations-Unies : voir docs de B2

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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