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La nouvelle mission européenne en Ukraine en phase de lancement

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Le logo de EUAM Ukraine, dérivé de la mission "Etat de droit" EULEX Kosovo

(BRUXELLES2) C'est une mission, somme toute assez modeste dans ses moyens mais ambitieuse dans ces objectifs, que vont officiellement lancer les ministres des Affaires étrangères. Dénommée EUAM Ukraine (1), elle ambitionne - selon les termes officiels de la décision - d'apporter assistance et conseils pour la « réforme de la sécurité civile ».

Lancement formel le 1er décembre

La décision est approuvée lundi (17 novembre). Et le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Pavlo Klimkine, sera là très tôt ce lundi pour signer ce qu'on appelle le SOMA (le statut de la mission qui autorise les Européens à venir en Ukraine). Mais le lancement formel de la mission est prévu le 1er décembre prochain — comme le prouve le projet de décision vu par B2 —.

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Ce, une fois la capacité initiale opérationnelle" (IOC) constatée sur place. D'un point de vue pratique, une équipe précurseure est déjà présente, sur place, à Kiev, depuis juillet, assurant la préparation du travail.

Une terminologie trompeuse

L'objectif a été (très) mal traduit de l'anglais. Il ne s'agit pas, ici, de la "sécurité civile" au sens habituel entendu en français et dans les pays "méditerranéens", c'est-à-dire des moyens (pompiers, protection civile etc.) propres à assurer la sécurité des civils contre les catastrophes naturelles ou humaines. Mais de la formation des forces de sécurité intérieure : police, gardes-frontières, maintien de l'ordre et garde nationale. Autant dire une mission à haut risque politique.

Un engagement supplémentaire

Les Européens affichent ainsi une détermination à aider concrètement les Ukrainiens pour reconstruire leur Etat. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Après le soutien politique et un accord d'association, l'aide humanitaire (73 millions d'euros), une aide commerciale via un accord de libre échange (appliqué de façon provisoire), un soutien financier (une enveloppe de 1,6 milliard euros), les Européens s'engagent un peu plus, et cette fois directement. Une centaine d'hommes et femmes — policiers, diplomates ou experts de la sécurité — formeront le coeur de la mission, sous le commandement de l'économiste hongrois, et ancien représentant spécial de l'UE en Moldavie, Kalman Mizsei.

Remettre en place un "Etat de droit" : un vrai défi

Selon un responsable européen, à qui B2 a pu parler, la réforme de la police est un « défi ». Les lignes hiérarchiques ne sont pas très efficaces. Le gouvernement central ne contrôle pas toutes ses forces. Le niveau de corruption, notamment dans la police de la route, est « élevé ». Et les traces d'une police, qui était destinée à "plus politique" et "militarisée" que civile, affleurent. Dans certains régions, ce sont des oligarques qui ont levé leurs propres forces, les paient et assurent le maintien de l'ordre. En gros, une situation entre monde moderne et monde féodal, avec un zeste de système soviétique non encore réformé. Dans les faits, il s'agit d'aider l'Ukraine à devenir un "Etat de droit", comme le rappelle d'ailleurs le logo, dérivé de celui adopté par la mission EULEX Kosovo. Et, le mandat de deux ans donné à la mission, ne sera sans doute pas suffisant pour mener à terme toutes les réformes. Personne ne se fait d'illusion sur ce point dans les milieux européens. Comme le rappelait récemment un diplomate européen, « on ne peut prétendre réformer en 2 ans ce qui nécessite chez nous plus de dix ans ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Ce qui  a donné lieu à quelques discussions croquignolesques. Lire : EUAM Ukraine c’est parti

Une mission suivie de près sur le Club de B2, lire :

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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