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G. Longuet. La France soutient une action de l’OTAN. Des réticences allemandes

Après "l'OTAN n'est pas l'outil approprié" face à la crise libyenne d'Alain Juppé, Gérard Longuet le nouveau ministre de la Défense français, a tenu à repositionner le curseur et faire une petite "explication" de texte devant quelques journalistes réunis dans un grand hotel de Bruxelles, à une heure (très) tardive de la soirée. Il a aussi confirmé qu'il y avait de fortes réticentes au sein de l'Alliance... avec l'Allemagne.

Mais si l'OTAN est "appropriée" ! Ce qu'il fallait comprendre

« Ce n'est pas que l'OTAN n'est pas l'outil approprié », a expliqué le Ministre, c'est qu'elle n'est pas appropriée « à agir seule » en Libye ou au large de la Libye. « Nous sommes face à une affaire régionale. L’OTAN n’a pas un rôle exclusif, elle doit agir avec une décision des Nations-Unies et d'autres organisations, un intérêt exprimé par organisations régionales. »

Une nécessité : la résolution des Nations-Unies

Cet objectif est atteint, selon le Ministre, puisque pour tous les intervenants, il est clair, que dans toutes les hypothèses, "Il faut une résolution des Nations-Unies donnant un mandat à une action militaire", y compris pour les frappes aériennes.

Une inconnue : la coopération régionale

« L’OTAN a renoncé à agir seule. Elle s’est limitée elle-même en plaçant son action dans la mise en œuvre d’une décision du Conseil de sécurité, et en lien avec la coopération avec les institutions régionales : Ligue Arabe, Union africaine voire conférence des pays islamiques ». Pour le ministre, cette coopération ne signifie pas automatiquement une participation militaire des Arabes ou des Africains. Voire pas du tout. Cette participation serait davantage d'ordre "politique". Autrement dit l'OTAN serait l'outil militaire et la Ligue Arabe ou l'Union africaine seraient associés politiquement à l'opération. Seul problème. Au moment où le Ministre parlait, l'Union africaine estimait qu'une action militaire n'était pas justifiée en Libye.

Un "problème" allemand

La proposition franco-britannique, résumée dans la lettre en sept points diffusée hier soir par l'Elysée (*), rencontre un "large assentiment" autour de la table a affirmé Gérard Longuet. Mais avec de « sérieuses réticences exprimées par l'Allemagne ». Une réunion s'est tenue en marge de la réunion de l'OTAN avec les acteurs les plus concernés (Etats-Unis, Royaume-Uni, France et Italie) « mais pas l'Allemagne ». Le problème allemand semble peser au sein de l'Alliance. Le ministre n'a pas voulu en détailler les raisons. Mais on peut déjà cerner deux séries de problèmes. Un problème d'ordre intérieur et constitutionnel - avec l'assentiment nécessaire du Bundestag à toute action militaire qui pourrait être délicat à négocier en pleine période électorale dans plusieurs Länder en mars. Un problème financier également. Une action militaire de l'OTAN suppose un cofinancement de tous ses membres, selon la clé habituelle de répartition. Or, à l'OTAN comme à l'UE, l'Allemagne a de plus en plus de difficultés à passer la caisse !

(commentaire) La position française est-elle lisible ?

La position de la France commence à devenir illisible. Que ce soit sur sur l'organisation apte à assurer l'action militaire en Libye (OTAN et UE) ou les objectifs militaires. Il semble y avoir plus qu'un cheveu de différence entre le Quai d'Orsay, la Défense et l'Elysée... En évoquant l'hypothèse de frappes aériennes ciblées, qui sont un des stades les plus ultimes de l'action militaire (avec la No Fly Zone) avant l'intervention terrestre, l'Elysée semble vouloir reprendre à la fois la main sur son ministre des Affaires étrangères et le lead (au moins médiatique) des dirigeants européens. Ce faisant il froisse l'Allemagne qui était déjà plus que réticente à une telle action. Il agite aussi un chiffon rouge sans doute inutile pour les Africains ou Arabes qui risquent de tourner casaque au moment où Kadhafi regagne du terrain à la fois militairement et politiquement.

A l'inverse, on peut estimer qu'il s'agit d'un geste politique, envers l'opposition, un pari sur l'avenir. Voire une réminescence historique, un entrain bonapartiste à soutenir les révolutions de par le monde. Au niveau militaire, cela pourrait ressembler à un nuage de fumée, à une diversion savamment organisée pour opérer un repli stratégique de la "No Fly zone" auparavant mise en avant. Une caserne, un dépôt d'armes pourraient fort bien alors flamber "tout seuls" ou exploser de façon "inexpliquée". Au niveau international, ce qui semble certain, c'est qu'il y a un tournant "arabe" de la politique étrangère française qui reviendrait ainsi dans une travée plus traditionnelle de la politique gaullienne ?

(*) Lire également: Cameron et Sarkozy écrivent aux 27 : Viva la revolución !

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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