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[Cinéma] La voix d’Aida

(B2) En Bosnie-Herzégovine, retour sur une page sombre de l'histoire européenne.

(Photo : Film Voix d'Aida)

Nous sommes à Srebrenica, en juillet 1995. Les Casques bleus, néerlandais, voient leur camp débordé par des habitants qui viennent y chercher refuge par milliers, terrorisés par l'arrivée imminente de l'armée serbe. Un moment sombre de l'histoire européenne, où se mêlent la lâcheté politique du moment, les hésitations, et la volonté de solidarité humaine.

Les Casques bleus commencent à accueillir quelques milliers de personnes. Mais, vite débordés, ils laissent la majorité des autres en dehors des portes du camp. Encerclés par les Serbes ils ne tireront pas un coup de feu pour défendre la population civile. Pire, la générosité du départ laisse part à la lâcheté.

Le colonel Franken, qui commande la base, lance l'alerte : « Vous serez responsables si les Serbes rentrent en ville on a besoin d'aide, il y a 25 000 personnes ici ». Mais il est littéralement lâché par le commandement de l'ONU, comme par son pays national (Pays-Bas). Ses appels à l'aide répétés, restent sans réponse.

Aida, la traductrice embauchée par les Casques bleus, ancienne professeur d'anglais, tente de sauver ses fils de la déportation (et de la mort). Les bourreaux, elle les connait, ce sont des voisins, d'anciens élèves. Toute la complexité de cette guerre, qui oppose des populations qui ont longtemps vécu ensemble, se trame.

Peu à peu la fatigue, la confusions de sens gagnent. Les principaux repères humains s'effacent. Les exécutions en dehors du camp laissent coi les soldats de la paix. Des militaires néerlandais se retrouvent même à aider les milices serbes de Mladic à faire le tri entre les hommes et les femmes.

Ce film, dans sa justesse, reflète cet affaiblissement de la volonté, de l'humanité, dans un coin de Bosnie-Herzégovine, abandonné par les grandes puissances. Un moment de faiblesse collective et individuelle qui doit resté gravé dans les mémoires. Un film qui devrait être projeté dans toutes les écoles de guerre et de relations internationales.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi sur le sujet : "La responsabilité partielle des Pays-Bas à Srebrenica : un jugement partiel" Sylvie Matton, Nouvel Observateur

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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