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Dans le Golfe de Guinée, le chat sécurisé mère de toutes les informations

(B2) Pour vaincre la piraterie dans le Golfe de Guinée, les marins disposent d'une botte discrète : un chat sécurisé, très utile pour les marins du MDAT-Gog de Brest, qui veillent au grain

NB : Né de la coopération entre la Royal Navy (UKMTO) et la Marine nationale (MICA-Center), le Maritime Domain Awareness for Trade – Golfe de Guinée (MDAT-GoG). est opérationnel depuis le 20 juin 2016. Il vient en appui au processus de Yaoundé

Yaris et Solarta

Pour communiquer, toutes les forces utilisent un chat sécurisé : Yaris (issu du programme Crimario) et Solarta (système semblable à celui du système britannique Mercury). Solarta est venu combler un vide en attendant le développement de Yaris, plus complexe à mettre en œuvre, plus complet aussi avec cartographie, etc. Il sera opérationnel en octobre, après une période d'essai de 11 mois. Une initiative poussée par les Britanniques... qui, du coup, n'a pas été évidente à financer par les Européens.

Des systèmes d'échange d'information sont primordiaux

Le système a un avantage : pouvoir échanger de l'information instantanément en temps réel (informations + fichiers), entre tous les bâtiments présents sur la zone, les commandements locaux, ou à distance (à Brest et Northwood) — mais aussi la cellule piraterie de la marine marchande (IMB). Il participe aussi à la mise en place de l'architecture de sécurité locale (soutenu par le programme Gogin+). Mais, surtout, il permet de donner d'alerte en cas d'incident, du commandement le plus proche comme le plus lointain.

Très utile en cas d'attaque

Durant l'attaque du navire italien MSC Lucia le 25 octobre dernier (2021) à environ 150 nautiques au nord-ouest de l'île de Sao Tomé, le dispositif a révélé son utilité. L'équipage du porte-conteneurs « a prévenu la frégate italienne sur zone. Mais elle était trop loin pour intervenir. Les Italiens préviennent alors le MDAT GOG » raconte Eric Jaslin le commandant du Mica Center. « Le Mica Center lance une alerte sur ses réseaux. Celle-ci parvient immédiatement à Londres au centre de lutte contre la piraterie de l'IMB comme à la marine russe, qui a un navire sur zone. »

Des Italiens aux Russes

Les Russes du vice-amiral Koulakov font décoller leur hélicoptère Kumov Ka-27PS, avec à bord une équipe de fusiliers-marins. Ce qui permet de mettre fin à l'attaque. Les pirates déguerpissent. « Sans le réseau d'information, on n'aurait pas pu prévenir l'attaque aussi vite. » Grâce aussi à la mise en place par les marins des BMP et au fait qu'il s'étaient réfugiés dans la citadelle. « Cela a fait gagner un temps précieux, permettant à l'hélicoptère d'intervenir. »

La confidentialité mère de toutes les confiances

La marque de fabrique du Mica center, c'est la vérification des informations, mais aussi d'assurer « une certaine confidentialité ». Par exemple, « quand on diffuse une information, il n' y a pas de nom de bateau ni de mention des otages. C'est à chaque compagnie maritime d'indiquer quelles informations elle va permettre de diffuser. » Une confidentialité appréciée du domaine maritime qui aime bien la discrétion. Les compagnies maritimes« nous ont renouvelé leur confiance. Car nous leur assurons justement le respect de confidentialité. » conclut l'officier français.

(Nicolas Gros-Verheyde, à Brest)

La coopération navale volontaire ou CNV

Ce processus a été mis au point pour associer la marine marchande et la marine militaire. La CNV s'adresse non seulement aux compagnies, mais aussi aux industries maritimes. Cela concerne ainsi aujourd'hui 20 à 46 compagnies et industries maritimes (armateurs, compagnies de sécurité, assureurs) de huit nationalités (dont la France). Ce qui représente aujourd'hui plus de 300 navires. Réseau non négligeable.

Enjeu : l'étude des risques. « Nos partenaires veulent connaitre les risques de piraterie mais aussi les autres risques (drogues, contrebande…) qui pourraient menacer leur circulation maritime. Nous sommes une interface entre la marine nationale, les armateurs et les compagnies. »

Débuté avec les armateurs français depuis 2019, le système a ensuite été ouvert aux étrangers. Un protocole CNV a ainsi été signé avec la compagnie maltaise CSM Columbia, qui a pour siège Singapour, avec en tout 40 bateaux inscrits.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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