Dans le Golfe de Guinée, des pirates plus structurés, plus audacieux
(B2 à Brest) Les pirates dans le Golfe de Guinée sont suivis à la trace par le MICA Center, le Maritime Information Cooperation & Awareness Center établi à Brest. Nous avons pu faire le point sur leurs nouvelles méthodes avec un officier du centre.
Une gestion professionnelle
Les pirates se sont adaptés. « Ils se sont plus structurés, organisés, avec une logistique à terre, des commanditaires. Ils ont développé un business de la rançon, avec des prises d'otages. Avec un gestion professionnelle. »
Plus loin
Les pays d'Afrique ne sont « pas encore complètement autonomes ». Surtout en haute mer. « Ils obtiennent de bons résultats dans la zone portuaire et les eaux territoriales. Cela a vraiment chuté, notamment au Nigeria. Mais au-delà, c'est plus compliqué. Les pirates l'ont bien compris et vont plus loin, vers la zone de Sao tomé e Pricipe, à 200 nautiques. » Le temps de réaction d'une force armée sera alors plus long.
Entre l’opportunité et la cible
Comment choisissent-ils leur cible ? « Parfois c'est précis. Ils ciblent certaines compagnies (NB : comme la compagnie maritime, basée à New Delhi). Parfois non. Il y a ainsi des attaques de pur opportunisme. » De façon plus générale, « ils surveillent les zones où ils vont agir. S'ils se rendent compte que la zone est patrouillée, ils la « laissent refroidir ».
A la meuleuse pour s'attaquer à la citadelle
Les pirates connaissent les méthodes de protection et, désormais, ne s'y arrêtent pas. « Tous les moyens sont bons. Quand ils voient une citadelle, ils rafalent d'abord sur la citadelle pour essayer d'y pénétrer. Pour forcer la porte, ils cherchent des équipements à bord, comme des meuleuses pour découper la porte, voire arrivent avec des moyens à eux pour forcer la porte. Ils savent qu'ils ont peu de temps. S'ils échouent, ils cherchent un autre bateau dans la zone. »
Le Tonsberg un tournant
En novembre 2021, au large du Nigeria, les Danois de la frégate Esbern Snare avaient conduit un assaut contre un bateau pirate, tuant quatre d'entre eux, blessant un cinquième et capturant quatre autres. Les pirates en ont tiré une leçon, allant plus au large, et surtout en étant plus agressifs.
Une violence accrue
Quelques semaines plus tard, en décembre 2021, l'attaque sur le Tonsberg — un porte-conteneurs grec naviguant sous pavillon maltais — constitue « un tournant ». Ils sont arrivés à bord, provoquant la stupéfaction, tuant d'emblée un membre de l'équipage et capturant six marins. Une recommandation a été émise aux marins pour planquer tous les outils et autres moyens permettant de forcer la citadelle. Cela fait partie d'une nouvelle préconisation des BMP (best maritime practices).
(Nicolas Gros-Verheyde)
Le Golfe Guinée, une des zones la plus violente du monde
Même si ce n'est pas celle où se produisent le plus d'incidents, le Golfe de Guinée est devenu la zone la plus violente aujourd'hui. Certes en chiffres, c'est le détroit de Malaca qui détient le record. Mais on est davantage sur de la rapine, du vol. Dès que les pirates voient quelqu'un, ils s'enfuient. Dans les Caraïbes, c'est davantage le trafic de drogues qui mène la danse. Les trafiquants utilisent plutôt les processus de pirates pour cacher de la drogue, disparaissent. Puis la récupération se fait en Europe. « Un nouveau phénomène, la narco-piraterie, signalé cette année qu'on observe » attentivement au Mica Center. En Amérique latine, au large du Pérou, il y a du brigandage — dans le mouillage de Calao avec un peu plus de violence qu'ailleurs. Mais on n'atteint pas le niveau qui existait à l'époque en Somalie.