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Le tweet de trop de Janez Jansa

(B2) Le premier ministre slovène, tweetomaniaque, a-t-il dérapé en publiant un tweet ultra-limite ? En tout cas, il a provoqué une certaine opprobre en Europe. Mais surtout en interne. Beaucoup plus dangereuse

Tout commence jeudi (14 octobre) par la publication par Janez Janša (SDS/PPE) d'un tweet mettant en cause les « marionnettes de Soros au Parlement européen ». Et en particulier la députée néerlandaise, Sophie In't Veld. Elle appartient au parti libéral de centre gauche néerlandais D66, membre du groupe parlementaire Renew (comme La république en Marche en France).

La bête noire du dirigeant slovène

Cette fervente militante des libertés publiques et du respect de l'État de droit, a le tort d'être à la tête d'une délégation du Parlement européen, en mission sur l'état de droit en Slovénie. Et depuis le début de la mission, il n'a de cesse de la critiquer, à coups de retweets de Nova24, la télévision fidèle au pouvoir. Une vieille habitude. Déjà en 2019, il avait abondamment fait savoir son mécontentement.

Rien de vraiment surprenant

Le dirigeant slovène adore attaquer ses ennemis, ses adversaires, bille en tête. Et il est compulsivo-maniaque retweetant à tour de bras, toutes les heures. À se demander s'il a le temps de penser et diriger le pays ! Seulement, ce tweet aux relents légèrement antisémites a provoqué une réaction importante, en Europe comme en Slovénie. Une réaction telle que Janez Jansa l'a supprimé. Fait plutôt rare pour le dirigeant particulièrement ombrageux.

Un manque de respect au Parlement !

Le président du Parlement européen David Sassoli (PD/S&D) réagit très rapidement, et avec vigueur, appelant « d'urgence » Janez Jansa « à cesser les provocations contre les membres du Parlement européen ». « Les attaques contre les membres de cette maison sont aussi des attaques contre les citoyens européens » ajoute-t-il, invoquant « la confiance et le respect mutuels ».

L'ambassadeur slovène à La Haye sermonné

Ce tweet sur les députés européens est « de mauvais goût » condamne à son tour le premier ministre néerlandais Mark Rutte (VVD/Renew). « Je le condamne dans les termes les plus fort possibles. » Le gouvernement néerlandais a d'ailleurs « fait passer le message » à l'ambassadeur slovène en poste aux Pays-Bas, indique-t-il jeudi en fin de soirée. En termes formels, ce n'est pas une convocation de l'ambassadeur... Mais cela y ressemble de très près. NB : le parti D66 dont fait partie Sophie In'tVeld est membre de la coalition gouvernementale.

Occupez-vous de vos affaires !

Le leader slovène ne se laisse pas abattre. Deux heures après, il sermonne à son tour les dirigeants néerlandais. « Eh bien Mark [Rutte] ne perdez pas de temps avec les ambassadeurs et la liberté des médias en Slovénie. Ensemble avec Sophie in't Veld, protégez [plutôt] vos journalistes [pour leur éviter] d'être tués dans la rue. » Faisant ainsi référence au meurtre du journaliste d'investigation de RTL4, Peter R. de Vries, abattu en pleine rue le 6 juillet, et décédé à l'hôpital le 15 juillet suivant.

Le respect des institutions est fondamental

L'affaire s'envenime. Le président du Conseil européen Charles Michel (MR/Renew) enfonce le clou, jeudi tard dans la soirée, à 22h56. Sans citer nommément le premier ministre slovène. « Les membres du Parlement européen doivent pouvoir faire leur travail librement sans aucune forme de pression. Le respect mutuel entre les institutions de l'UE et au sein du Conseil européen est la seule voie à suivre. »

Une fêlure dans la coalition

Le coup de grâce vient de l'intérieur du gouvernement slovène. Le message du premier ministre est « inapproprié et inutile » condamne, vendredi (15.10), son (jeune) ministre de la Défense, Matej Tonin qui indique « s’attendre à des excuses ».

Un message pour le moins inhabituel au sein de la coalition au pouvoir slovène. Une fêlure dans la coalition puisque l'intéressé est aussi vice-premier ministre et chef de Nova Slovenija, un petit parti chrétien-démocrate (PPE). À suivre...

(Nicolas Gros-Verheyde, avec Emmanuelle Stroesser)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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