L’Europe rapatrie les Afghans ayant travaillé pour elle
(B2) Catastrophe, cauchemar… c'est ainsi que Josep Borrell qualifie la situation pour les Afghans. La priorité est claire : réussir à évacuer ceux qui ont travaillé pour l'Union et ses États membres. Au final, l'opération a réussi. Tous les États membres s'y sont mis, à commencer par l'Espagne... et la France. Chacun jouant son rôle
Le personnel européen de la délégation, environ une centaine de personnes, a été entièrement évacué dès le début, à l'exception de l'ambassadeur, l'Allemand Andreas von Brandt, resté sur place dans la zone sécurisée de l'aéroport (avec une petite équipe). Pour l'évacuation du personnel Afghan, les choses sont plus lentes.
Un devoir moral
C'est un « devoir moral » pointe le Haut représentant devant la commission Affaires étrangères du Parlement européen, réunie en urgence, jeudi 19 aout. Il reconnait certes que la tâche n'est pas aisée. « Nous faisons tout ce que nous pouvons, croyez-nous ». Les Européens devront, pour cela, négocier avec les Taliban. Une position pragmatique assumée par l'Union (lire : L’Europe prête à parler aux Taliban pour gérer l’urgence. Mais pose ses conditions).
Un premier objectif de 400 personnes
« Pour des raisons de sécurité », le chiffre n'a été rendu public que tardivement. La Commission européenne et le service diplomatique (SEAE) estiment qu'environ 400 personnes doivent être évacuées. Il s'agit de ceux qui travaillent actuellement pour l'UE, qu'il s'agisse de la délégation (= ambassade), des collaborateurs de la DG ECHO (la direction générale de l'aide humanitaire de la Commission), et leurs familles (mais uniquement au premier degré : épouse/époux et enfants).
Premier accueil en Espagne, puis relocalisations
Les institutions n'ayant pas le pouvoir d'attribuer des places de réinstallation ni d'attribuer des visas humanitaires, c'est vers les États membres que la Commission s'est tournée. Après une semaine de contacts, l'Espagne s'est proposée pour servir de plateforme de premier accueil, et de gestion des dossiers, avec l'idée que les Afghans soient ensuite relocalisés dans d'autres États membres. Encore faut-il que cela fonctionne s'inquiète le Haut représentant. « Espérons que nous ne montrerons pas nos différents une fois de plus, et que nous ne nous battrons pas pour savoir qui prends soin de ces personnes. »
106 premières arrivées en Europe
Dans la nuit de mercredi à jeudi (19 août), un premier vol, assuré par les Espagnols, avec 106 Afghans (employés et familles) atterrit à Madrid. Le nombre est limité. « Cela n'a pas été facile » reconnait Josep Borrell. 300 autres sont toujours « bloqués dans les rues de Kaboul ». Il pointe les difficultés pour localiser les gens, et leur permettre d'arriver à l'aéroport, puis d'y entrer. Mais aussi les difficultés pour « obtenir une place dans certains des vols des États membres ».
Du personnel UE de retour à Kaboul
Pour « essayer de débloquer la situation » des 300 personnes restantes, tous les efforts sont requis. Quatre responsables ont été dépêchés à Kaboul. Parmi eux, l'envoyé spécial pour l'Afghanistan, Tomas Niklasson et un haut gradé (général) de l'état-major de l'UE (selon nos informations), le général Bart Laurent, directeur des opérations. La présence des forces spéciales de plusieurs pays (France, Allemagne notamment) permet de débloquer le dispositif.
Les forces spéciales françaises entrent en action
Lundi 23 août, au matin « les forces spéciales françaises, en liaison avec l’armée américaine, ont pu faire entrer dans l’aéroport 260 collaborateurs de la délégation de l’UE à Kaboul. Ils sont accueillis dans la zone d’attente de l’ambassade de France avant embarquement. Bravo à l’UE. », tweete David Martinon, l'ambassadeur français en Afghanistan. Sur le même réseau social, l'ambassadeur de l'Union à Kaboul, Andreas von Brandt, s'est dit « très reconnaissant et soulagé ».
Élargir au personnel d'EUPOL ?
Au-delà des travailleurs actuels, la Commission européenne veut élargir son action. Pour évacuer également ceux qui ont travaillé pour elle au cours des 20 dernières années. Cela inclut notamment ceux qui ont coopéré avec la mission de soutien et de formation de la police afghane (EUPOL Afghanistan) qui a fonctionné entre 2007 et 2016 dans le cadre de la PSDC. Le nombre pourrait encore augmenter en incluant les « défenseurs des droits de l'homme, les femmes activistes et les représentants de la société civile qui sont en danger pour avoir défendu nos valeurs » explique le Haut représentant. Aucune estimation n'est faite quant au nombre de personnes que cela pourrait représenter. Trop sensible politiquement que ce soit pour les Européens ou les Afghans...
(Lenor Hubaut, avec NGV et AF. st)
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Mis à jour 31.08 avec le nom du général envoyé à Kaboul (devenu public)