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La pression russe aux frontières de l’Ukraine : une illusion d’optique ou la marque d’une intention ?

(B2) Ne regarder les mouvements de troupes près de l'Ukraine, que comme une préparation à une attaque militaire, pourrait être une erreur, une illusion d'optique. C'est avant tout un signal politique.

Un show of force avant la confrontation politique

La manœuvre russe le long des frontières ukrainiennes a une vertu davantage politique, que militaire. Il s'agit de rappeler à tous que la Russie est là et bien là et qu'il faut compter avec elle. Tout d'abord vis-à-vis de ses supporters à l'intérieur des frontières ukrainiennes. Ensuite vis-à-vis du pouvoir de Kiev. Enfin vis-à-vis des occidentaux.

Le moment n'est pas tout à fait inopportun

On est à quelques semaines avant un sommet de l'Alliance, avec un nouveau dirigeant américain. Il s'agit donc à la fois de tester la réactivité et la volonté politique de Joe Biden et la résilience de l'ensemble de l'alliance. Pour Moscou, il s'agit en quelque sorte d'entamer le dialogue. Une manière de montrer sa force (un 'show of force' diraient les aviateurs) avant la mise en place de négociations. En ignorant superbement non seulement le pouvoir de Kiev, mais également les structures de l'OSCE ou l'Union européenne, le Kremlin fait passer un message : il préfère un dialogue d'égal à égal entre Washington et Moscou que des discussions multilatérales.

Semer le trouble en Ukraine

Si au passage, au plan tactique, on peut arriver à 'énerver' les Ukrainiens, leur faire perdre leur sang froid et les pousser à la faute : soit au niveau politique — comme une demande d'adhésion à l'OTAN (qui serait vue à Moscou comme une déclaration de guerre) —, soit au niveau sociétal — la répression contre quelques ukrainiens russophones serait perçue comme un 'bon' prétexte — soit au niveau militaire — un mouvement de troupes invétéré, une (contre)offensive malheureuse (comme en Géorgie en 2008), c'est la cerise sur le gâteau. Cette faute n'a pas été commise.

Un effet rideau de fumée

Au niveau militaire, un tel rassemblement de forces au grand jour n'a plus vraiment de signification. Une bonne action surprise de quelques centaines (ou milliers d'hommes tout au plus) bien entraînés, de façon discrète aurait un meilleur effet. Mais il a un avantage : tresser un rideau de fumée. A force de manœuvres, avancées et reculs, on ne sait plus vraiment à quel moment, les Russes vont passer d'une stratégie d'attente à une stratégie d'attaque. quelles sont leurs intentions véritables : la paix, la guerre, la négociation, les mouvements de troupes, la stabilisation ou la déstabilisation… Moscou est assez coutumier de ce genre de procédés : prêter la paix pour déclencher la guerre, ou vice-versa, renverser la table et négocier un accord de paix.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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