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Navalny condamné à la prison pour plusieurs années. Les Européens critiquent le verdict et Poutine

(B2) Après l'annonce d'une peine de prison conséquente pour l'opposant politique russe, les réactions pleuvent. Inacceptable, grotesque, surprenante, douteuse, cynique, perverse… on trouve toute la palette des mots

La dénonciation par Navalny du Palais de Poutine, dans une vidéo vue plus de 100 millions de fois a passablement énervé le Kremlin (crédit : YouTube Navalny)

Si plusieurs pays demandent le retour à la politique de sanctions (Estonie, Lettonie, Tchéquie, Lituanie…), ce n'est pas la majorité. Dans d'autres pays (France, Italie, Pays-Bas…), on sent que la condamnation est ferme, mais reste polie.

NB : Le tribunal de Moscou a révoqué, ce mardi (2.02), pour violation de sa conditionnelle, le sursis de la peine de prison de 3 ans et demi, prononcée le 30 décembre 2014. Alexei Navalny était poursuivi, lui et son frère Oleg, dans le cadre de la gestion filiale russe de la société française Yves Rocher, pour 'blanchiment d'argent'. Une affaire considérée comme arbitraire par la Cour européenne des droits de l'Homme. En enlevant les mois déjà passés en assignation à résidence, il devra donc effectuer le reste de sa peine en prison, soit 2 ans et 8 mois. D'où des chiffres variant selon les réactions.

Commentaire : Ce qui semble sûr aujourd'hui, c'est que A. Navalny est devenu un prisonnier politique, une figure mythique de la Russie, comme l'était Soljenitsyne avant lui. « La figure de l'opposition russe » selon le département d'État. À la différence de son aîné, le mode d'expression préféré d'Alexei n'est pas le livre, mais You Tube. Le fond reste le même. L'opposition à un régime autoritaire. V. Poutine, si habile d'ordinaire, a peut-être fait l'erreur de sa vie en donnant à son opposant cette stature.

Nb : sauf mention particulière, les réactions émanent des ministères des Affaires étrangères

Emmanuel Macron (président, France) : « La condamnation d'Alexeï Navalny est inacceptable. Un désaccord politique n'est jamais un crime. Nous appelons à sa libération immédiate. Le respect des droits humains comme celui de la liberté démocratique ne sont pas négociables. »

Josep Borrell (chef de la diplomatie européenne) : « La condamnation d'Alexey Navalny va à l'encontre des engagements internationaux de la Russie en matière d'État de droit et de libertés fondamentales. Elle va à l'encontre du verdict de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a jugé cette affaire arbitraire et déraisonnable. Je demande sa libération immédiate. »

Ursula von der Leyen (Présidente de la Commission européenne) : « Je condamne la condamnation d'Alexei Navalny dans les termes les plus forts possibles. J'appelle la Russie à respecter ses engagements internationaux et à le libérer immédiatement et sans condition. »

https://twitter.com/vonderleyen/status/1356686965811380227

Heiko Maas (Allemagne) : « Le verdict contre Alexei Navalny est un coup dur pour les libertés et l'État de droit solidement ancrés en Russie. La Cour européenne des droits de l'Homme a déjà critiqué ce procès comme étant arbitraire en 2017. Alexei Navalny doit être libéré immédiatement. »

Dominic Raab (Royaume-Uni) : « La décision perverse rendue aujourd'hui par la Cour montre que la Russie ne respecte pas les engagements les plus fondamentaux que l'on attend de tout membre responsable de la communauté internationale. Le Royaume-Uni demande la libération immédiate et inconditionnelle de Navalny et tous les manifestants pacifiques et journalistes arrêtés ces deux dernières semaines. » (communiqué)

Département d'État US : « Alexei Navalny bénéficie des droits prévus par la constitution russe. Nous soutenons le peuple russe dans l'exercice des droits que lui confère la constitution russe. [...] Même si nous travaillons avec la Russie pour faire progresser les intérêts américains, nous coordonnerons étroitement avec nos alliés et partenaires pour tenir la Russie responsable de ses manquements aux droits de ses citoyens. » (communiqué)

Ekaterina Zaharieva (Bulgarie) : « La décision d'emprisonner Navalny après avoir été soigné à l'étranger suite à une tentative d'empoisonnement est tout à fait inacceptable. Nous demandons que les décisions de la CEDH soient respectées, le droit à un procès équitable est un droit humain fondamental qui est indéniable. »

Tomáš Petříček : « Un verdict un peu surprenant avec une motivation claire pour faire taire l'opposition. La Tchéquie exige la libération immédiate de A. Navalny, c'est un processus artificiel. Malheureusement, nous en connaissons un certain nombre de par notre propre histoire. L'UE devrait revenir sur la question des sanctions »

Ivan Korcok (Slovaquie) : « La décision rendue aujourd'hui par le tribunal de Moscou sur Navalny soulève des doutes quant à l'équité du procès et ignore la précédente décision de la CEDH. Nous appelons les autorités slovaques à respecter les libertés humaines et politiques en Russie et ses engagements internationaux. »

Stef Blok (Pays-Bas) : « Profondément préoccupé par la condamnation de Navalny. Chacun a droit à la liberté d'expression et à un procès équitable. Nous appelons les autorités russes à libérer immédiatement Navalny et toutes les personnes détenues lors des manifestations de ces dernières semaines. »

Jeppe Kofod (Danemark) : « Grotesque verdict contre Navalny. [Cela va à l'en]Contre [de] l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme qualifiant l'affaire d'arbitraire et manifestement déraisonnable. Je demande sa libération immédiate. On attend toujours l'enquête russe sur l'empoisonnement de Navalny »

Kaja Kallas (Premier ministre estonienne) : « La condamnation et l'emprisonnement du leader de l'opposition russe Alexei Navalny est cynique et n'a rien à voir avec l'État de droit. Et tous les manifestants pacifiques et journalistes arrêtés doivent être libérés immédiatement. L'UE doit agir rapidement et de manière décisive pour protéger les droits de l'homme. »

Edgars Rinkēvičs (Lettonie). « La décision d'emprisonner le leader de l'opposition russe Alexey Navalny est à la fois un cynisme effroyable et un mépris total de l'État de droit et des obligations internationales de la part de la Russie. Il doit être libéré immédiatement. L'UE doit imposer des sanctions. Le Conseil de l'Europe doit agir car cela constitue une violation de l'arrêt de la CEDH. »

Sanna Marin (Premier ministre finlandaise) : « La peine de prison prononcée par la Commission est inacceptable. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la condamnation initiale de Navalny était arbitraire et déraisonnable. »

Ministère slovène des Affaires étrangères : « La Slovénie est consternée par le verdict rendu contre le leader de l'opposition russe Alexey Navalny. Nous demandons sa libération immédiate et inconditionnelle. »

Farnesina (Italie). « Nous apprenons avec consternation la nouvelle de la condamnation d'Aleksey Navalny à une longue peine de prison. L'Italie exprime sa vive inquiétude face à de tels développements, qui vont à l'encontre des principes fondamentaux de la démocratie et de l'État de droit. »

Ann Linde (Suède). « Alexey Navalny devrait être libéré, et non emprisonné. L'opposition en Russie ne doit pas être réduite au silence. La Russie est tenue par des obligations internationales de respecter les droits de l'homme. Tout comme lors du procès d'aujourd'hui, les diplomates suédois continueront à surveiller. Ils discuteront de la réponse avec les partenaires de l'UE. »

Zbigniew Rau (Pologne). « Alexei Navalny est devenue une victime de persécution politique qui viole les principes fondamentaux de l'état de droit. J'appelle les autorités russes à libérer M. Navalny et à cesser d'appliquer les mesures répressives contre ses partisans. »

Arancha Gonzalez (Espagne). « La Cour européenne des droits de l'homme a déjà statué sur l'affaire, la qualifiant d'arbitraire - Alexei Navalny doit être libéré. »

Gabrielius Landsbergis (ministre des Affaires étrangères lituanien). « Après une condamnation méprisable de d'Alexei Navalny, le langage des sanctions est le seul que l'UE devrait utiliser avec la Russie. Si l'UE hésite, la Lituanie imposera des sanctions nationales. »

(propos rassemblés par Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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