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La Turquie proteste officiellement contre l’interception d’un de ses navires marchands par l’opération Irini (v3)

(B2) Le ton monte à Ankara. L'affaire du Roseline A prend une tournure très politique

Les plénipotentiaires européen, allemand et italien convoqués aux affaires étrangères turques (crédit : MAE Turquie)

Protestation officielle

Le ministère turc des Affaires étrangères a ainsi convoqué lundi (23.11) les ambassadeurs européen, italien et allemand pour leur remettre une note de protestation officielle après l'arraisonnement par la frégate allemande Hamburg dans le cadre de l'opération Irini de ce navire marchand MV Roseline A (lire : Grabuge turco-germanique en Méditerranée orientale. Ankara s’oppose au contrôle d’un de ses navires (v2)). « Un acte non autorisé et forcé », selon lui.

Un navire qui transportait de la peinture et des biens humanitaires !

Selon les autorités turques, en effet, le MV Roseline A, ne transportait que « de la peinture, du matériel lié à la peinture et des biens d'aide humanitaire ». Le capitaine du navire « a coopéré et a partagé des informations détaillées sur la cargaison du navire et son itinéraire ». « Néanmoins, à 17h45, des éléments armés de l'opération Irini sont montés à bord du navire et ont effectué une longue 'inspection' durant des heures. »

Des méthodes robustes

Tous les membres de l'équipage, y compris le capitaine, « ont été fouillés de force, rassemblés et confinés dans un seul endroit, les conteneurs ont été fouillés par la force, tandis que le capitaine a été placé sous la garde d'un militaire armé ». Une intervention « menée sans le consentement ni de la Turquie, en tant qu'État du pavillon, ni du capitaine du navire ». L'intervention aurait « duré jusqu'après minuit » selon le communiqué de la diplomatie turque, et « n'a pris fin que sur les objections persistantes de la Turquie ». Le personnel armé est resté à bord et a quitté le navire marchand à 9h38 du matin.

Le consentement de l'État du pavillon

Et la Turquie d'annoncer qu'elle se réserve le droit de demander une « indemnisation des personnes physiques et morales concernées pour les dommages et pertes pouvant résulter de cet acte ». Le consentement de l'État du pavillon « avant d'interférer avec les navires marchands dans les eaux internationales » est nécessaire, poursuit le communiqué. « Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur l'embargo d’armes vers la Libye n'éliminent pas cette obligation. »

Une opération lancée sans l'aval de la Turquie et de l'OTAN

Au passage, les Turcs contestent — c'est courant — la « neutralité de l'opération Irini », avec un argument nouveau cette fois. L'UE l'aurait « lancée sans consulter ni le gouvernement légitime de la Libye, ni la Turquie ni l'OTAN ».

Commentaire : on peut avoir quelques doutes sur les leçons de droit international d'un pays qui n'a pas signé la convention de Montego Bay et a violé à plusieurs reprises les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU (notamment sur Chypre). Sa version des faits est à considérer. Mais elle ne parait pas correspondre tout à fait à celle donnée tant par les autorités européenne qu'allemande (lire notre papier mis à jour, Grabuge turco-germanique en Méditerranée orientale. Ankara s’oppose au contrôle d’un de ses navires). Quant au dernier argument, sur l'opération Irini, on est là dans un joyeux délire. Se déroulant en haute mer, sur la base (et l'injonction) d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union européenne n'a ni à demander le consentement de la Libye et encore moins de la Turquie ou de l'OTAN. Ankara semble se comporter en l'espèce comme chargé d'un protectorat sur la Libye. Un leurre d'une autre époque.

(NGV)


Enquête ouverte par le procureur

La justice turque a ouvert vendredi (27.11) une enquête sur l'arraisonnement. Une perquisition menée sans « l’autorisation de la Turquie et contre les réglementations internationales » indique le bureau du procureur d’Ankara dans une brève déclaration, selon le quotidien progouvernemental Daily Sabah.


En savoir plus : voir quelques images de l'interception (via Reuters)

Mis à jour : ajout du commentaire sur la position turque + encadré sur l'ouverture d'une enquête par le procureur turc

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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