(B2) La contestation pacifique et le courage d'un peuple contre le pouvoir d'un régime et d'un homme, le Biélorusse Alexandre Loukachenko, est mise à l'honneur par le Parlement européen
Svetlana Tikhanovskaïa à la commission des affaires étrangères (crédit : Parlement européen)
Celle-ci conteste depuis le 9 août la réélection du « dernier dictateur d'Europe » comme le surnomme l'un des eurodéputés les plus actifs sur ce dossier, le Lituanien Petras Austrevicius. Le Parlement européen s'est fait depuis septembre le relais des témoignages des militants, journalistes, citoyens poursuivis, brutalisés, torturés par les forces de l'ordre du régime Loukachenko. Il a encore adopté la semaine dernière, à une très large majorité, une résolution pour exiger que l'Union européenne revoit ses relations avec la Biélorussie.
Soutien européen
Depuis cet été, les premières manifestations et leur répression par le régime de Loukachenko, le Parlement européen soutient l'organisation de nouvelles élections, la libération des personnes détenues, l'arrêt des brutalités et violences policières contre les manifestants. L'annonce jeudi midi (22.10) par David Sassoli, son président, que le prix Sakharov 2020 revenait à cette opposition pacifique n'a donc surpris personne.
... et diplomatie parlementaire
Le prix Sakahrov - du nom du physicien et dissident politique soviétique - est décerné (ainsi que 50 000 euros) par le Parlement européen pour célébrer la liberté de l'esprit. Chaque année, depuis 1988, plusieurs candidats sont désignés par les groupes politiques qui composent l'hémicycle européen. Cette année, les trois principaux groupes du Parlement européen — les chrétiens-démocrates du PPE, les socio-démocrates de la S&D, les libéraux de Renew, ainsi que les conservateurs d'ECR - avaient, tous, proposé de distinguer l'opposition au pouvoir de Loukachenko. Une assez rare unanimité.
Merci au Parlement
« Sakharov Prize for Freedom of Thought 2020 goes to the democratic opposition of Belarus. Thanks to the @Europarl_EN It's a great honor for all Belarusians ! », a réagi sur son compte Twitter Svetlana Tikhanovskaïa à peine l'annonce faite, jeudi (22.10) à midi. Au-delà des frontières de Biélorussie, c'est elle qui incarne l'opposition démocratique au régime depuis l'élection faussée de la présidentielle le 9 août.
Résistance même en exil
Svetlana Tikhanovskaïa a repris la candidature de son mari, le blogueur et dissident Siarhei Tsikhanouski, emprisonné. Il est toujours détenu. Deux jours après l'annonce des résultats de la présidentielle, elle a été poussée hors du pays. De Lituanie où elle a trouvé refuge, elle a constitué un conseil de coordination. Ses membres ont été, un à un, à leur tour, poussés à l'exil.
Un prix à des femmes courageuses
Le prix ne récompense pas qu'elle. Mais ces « femmes courageuses » comme le président du Parlement européen les a qualifiées. Toutes à l'initiative de la création du Conseil de coordination. Il y a ainsi Svetlana Alexievich (prix Nobel de littérature 2015), Maryia Kalesnikava (musicienne, militante politique), Volha Kavalkova (membre du Conseil de coordination) et Veranika Tsapkala (cheffe d'entreprise et militante politique dont le mari a dû fuir avec ses deux enfants pour avoir voulu se présenter à la présidentielle).
... et à des personnalités politiques en prison ou en exil
Le prix associe aussi des personnalités politiques et de la société civile, en prison ou exilées : Siarhei Tsikhanouski (le mari de Svetlana Tikhanovskaïa), Ales Bialiatski (ancien candidat au prix Sakharov et au prix Nobel de la paix), Siarhei Dyleuski (chef du comité de grève de l'usine de tracteurs de Minsk), Stsiapan Putsila (fondateur de NEXTA, un canal de partage d'informations, de photos et de vidéos sur les manifestations et la répression policière) et Mikola Statkevich (homme politique).
Plus de dix semaines de mobilisation sans faille.
Depuis plus de dix semaines maintenant, la population, les femmes en tête, descendent dans la rue le dimanche, des grèves sont organisées. Malgré une répression constante, des violences policières, et des poursuites judiciaires à l'encontre des politiques, journalistes, militants, manifestants. « La Biélorussie s’est réveillée. Nous ne sommes plus l’opposition. Nous sommes la majorité. La révolution pacifique est en cours », a prévenu Svetlana Tikhanovskaïa lors d'un échange en vidéo-conférence, fin août, avec les eurodéputés, où elle réclamait le droit à l’auto-détermination du peuple biélorusse.
Journaliste pour des magazines et la presse, Emmanuelle s’est spécialisée dans les questions humanitaires, de développement, d’asile et de migrations et de droits de l’Homme.