Crise du coronavirus. Ursula von der Leyen est-elle à la hauteur ?
(B2) La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen semble dépassée par les évènements. Et sans doute pas à la hauteur de la crise du Covid-19
On dit souvent que le caractère des personnes se révèle en cas de tempête. Force est de reconnaitre aujourd'hui que la tempête 'Coronavirus' n'a pas montré qu'il y a avait un capitaine digne de ce nom à bord du navire Europe.
Comme un doute
À B2, nous avions pourtant défendu (bec et ongles) l'arrivée d'une femme, expérimentée, venant d'un pays central pour l'Europe (l'Allemagne), qui a été aux manettes d'un ministère de la Défense. Nous estimions que c'était un bon choix pour l'Europe (lire : Mutti Ursula : une femme de tête à la Commission européenne). Des premiers pas plutôt hésitants à Bruxelles, où l'Allemande ne marquait pas vraiment le sens de l'innovation avaient sonné comme une première alerte (Ursula von der Leyen : comme un avion sans ailes). Mais nous avions maintenu notre avis 'globalement positif'. Aujourd'hui, un vrai doute habite : Von der Leyen est-elle vraiment la bonne personne à la tête de l'Europe aujourd'hui ? A-t-elle vraiment les épaules pour faire face ?
Les bras ballants durant la crise
Durant près d'un mois, l'exécutif européen est resté les bras ballants face à la crise du Coronavirus. L'exécutif européen a certes agi. Mais dans tous les sens, de manière désordonnée, en oubliant un aspect principale. Sauver la vie des Européens, faire preuve de solidarité concrète et réelle, est plus important que de sauver le marché unique ou sa petite personne.
Une compétence et des moyens d'action sous-utilisés
Contrairement à ce que disent les communicants de la Commission européenne — et certains experts qui ont oublié de lire le traité de Lisbonne —, ce n'est pas la faute des États membres ou un manque de base légale. L'exécutif européen a une solide compétence pour agir, ancrée dans le traité, en matière de réponse aux crises d'urgence (lire : Face au Coronavirus, agir et être solidaire n’est pas une faculté, c’est une obligation. Dixit le traité). Elle dispose, en outre, de plusieurs instruments, et notamment d'un parachute de secours, mis en place par la Commission Juncker pour faire face à la crise grecque migratoire, mais utilisable tout azimut dans l'Union européenne.
De précieuses semaines perdues
On a perdu de précieuses semaines, dans les hauts étages du Berlaymont, à tergiverser, pour savoir si on recourrait à l'aide. Proposée le 2 avril, l'aide ne sera finalement votée que le 16 avril par le Parlement européen. Elle sera utile, mais arrive finalement trop tard, quand la crise sera sinon terminée, du moins dans une phase descendante. Au rythme des morts qui se sont entassés dans les morgues, il y a là une perte de chance notable, qui peut s'analyser clairement dans un délai de non assistance à personne en danger. Cela risque de rester comme une tâche indélébile à son bilan.
Un manque d'innovation
Le problème principal d'Ursula semble être son conformisme, sa difficulté à imaginer d'autres solutions, et son obéissance trop grande aux 'grands' pays. Au sens étymologique du terme, ce n'est pas une grande dame qui a été choisie par les responsables. Mais une vraie 'conservatrice', une gouvernante du domaine, avec un ton assez horripilant comme « une mère de famille moralisatrice envers ses enfants », qualifie un connaisseur du monde allemande. Or l'Europe a besoin, plus que jamais, d'une révolutionnaire.
Une défaillance de gouvernance
À cela s'ajoute un mode de gouvernance très centralisé qui est critiquable. La manie de Von der Leyen de tout régenter, de vouloir prendre la place de ses commissaires européens suscitait déjà quelques commentaires acerbes avant la crise. C'est le « syndrome, assez classique, du petit nouveau qui cherche à se faire sa place au soleil de Bruxelles », me confiait, légèrement ironique, un expert de l'exécutif européen. Durant la crise, ce qui apparaissait comme une manière de faire, a vite provoqué un dysfonctionnement majeur. Tout se décidait au cabinet de la présidence, en petit comité. Les avis des commissaires, les grincements de dents ou de sourires, ont fait place à une lutte de tranchées.
Une communication à côté de la plaque
Ses petites vidéos, faites en catamini, sont un détail au regard des autres sujets. Mais elles sont symboliques à cet égard du décalage total entre la nécessité du moment – agir et être uni — et le désir vaniteux de paraître. C'est parfois assez ridicule, tels ce lavage de mains dans un lavabo totalement aseptisé, prétendant montrer aux Européens ce qu'il faut faire. C'est parfois insuffisant. Annoncer 15 milliards pour l'Afrique sans donner le moindre détail. Et apprendre le lendemain que ce n'est pas de l'argent frais mais juste de la réutilisation. Or en temps de crise, la communication est un élément clé de la gestion de la crise.
Une double erreur politique
Dans cette inaction, la Commission européenne a commis deux erreurs politiques. L'une est plus institutionnelle. Renoncer à utiliser ses instruments, ou à innover pour trouver d'autres modes d'actions, est en quelque sorte renoncer à la 'raison d'être' de l'exécutif européen : un pouvoir d'initiative (1). L'autre est plus profonde. En ne déclenchant pas l'aide, on a donné l'impression (justifiée) aux populations que l'Europe ne faisait pas tout son possible pour leur venir en aide sur le bien qu'ils avaient de plus précieux : la vie. Cela s'est traduit par une dépressurisation très nette de l'estime européenne dans deux des pays (Italie et Espagne) qui étaient parmi les plus gros supporters de l'Union européenne. Cela sera-t-il rattrapable ? La réponse n'est pas évidente.
(Nicolas Gros-Verheyde)