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Un changement de commandement pour EUNAVFOR Med (ex Sophia) n’est pas à exclure

(B2 - exclusif) L'opération militaire de l'UE en Méditerranée (EUNAVFOR Med) va changer de chef d'ici la fin de semaine. Une décision qui tombe à plat alors que le renouveau est à l'ordre du jour. Question sur toutes les lèvres aujourd'hui à Bruxelles : l'Italie gardera-t-elle au-delà du mois de mars le commandement de l'opération ?

La salle de commandement du navire espagnol Cantabria (crédit : Eunavfor Med 2017)

Les ambassadeurs du comité politique et de sécurité doivent, ce mercredi (19 février), valider la nomination d'un nouveau chef de l'opération Sophia (EUNAVFOR Med) de lutte contre les trafics en Méditerranée.

Un relais italien prévu

Le vice-amiral italien Fabio Agostini devrait ainsi succéder officiellement à son compatriote le vice-amiral Enrico Credendino. Ce à compter de vendredi (21 février). L'amiral, qui préside depuis le début aux destinées de l'opération, termine sa carrière militaire et pourrait être pressenti pour exercer d'autres responsabilités dans les mois qui viennent (chut...). Une cérémonie officielle de passation du bâton de commandant de l'opération est d'ailleurs prévue à Rome vendredi.

Une volonté de renouveau...

Ce changement était prévu depuis bien avant qu'éclate la polémique et le veto austro-hongrois sur la nouvelle opération (comme nos lecteurs fidèles le savent déjà, lire Carnet 07.02.2020). Du coup aujourd'hui, il tombe quelque peu à plat. Cette nomination en elle-même est un peu bizarre. Car tous les paramètres de l'opération EUNAVFOR Med doivent être revus. Pression politique oblige. Le plan d'opération, les règles d'engagement, la zone d'opération, vont être revus. Le nom de l'opération va être changé. Dans ce maëlstrom de renouveau, la question de changer le quartier général (basé à Rome) ou le commandement de l'opération, qui appartient aux Italiens, se pose de façon très concrète.

... qui pourrait emporter le nouveau chef

Chacun s'interroge : l'amiral fera-t-il juste un tour, pour quelques semaines ? La question est réellement posée, comme nous l'ont confirmé plusieurs sources diplomatiques et militaires. La porte-parole du SEAE n'a pas dénié ce point. « La nomination prévue est [bien] pour l'opération Sophia » a précisé ainsi Virginie Battu lors du point de presse de midi, interrogée par B2 ce mardi (18 février). « Dans les éléments de l'accord politique — intervenu hier entre les ministres (lire : Ne m’appelez plus Sophia ! Les points clés de la nouvelle opération de l’UE en Méditerranée) —, on ne parle plus de l'opération Sophia. Au-delà du commandement, [plusieurs points doivent être revus] à commencer par le mandat ». Et d'ajouter : « L'opération Sophia court jusqu'à fin mars. Je ne préjugerai pas de la suite. On parle bien d'une nouvelle opération. »

Conclusion : un changement (peut-être) nécessaire

Il parait difficile à l'Italie de conserver à la fois le quartier général basé à Rome et le commandement de l'opération.

Une question très politique

Ce serait à l'inverse de l'effet recherché en matière politique qui consiste à faire table rase du passé pour redémarrer à zéro, une « nouvelle opération ». Même si chacun est conscient que le mot 'nouvelle' est surtout là pour justifier auprès des opinions publiques autrichienne et hongroise surtout, mais italienne également, le léger revirement de leurs gouvernements, des changements autres que cosmétiques sont nécessaires.

Changer de QG : plus délicat en un temps court

Changer le quartier général nécessite du temps — ne serait-ce que pour mettre en place les dispositifs au niveau technique. Maintenant si on demande aux militaires, ils savent faire avec promptitude, les deux doigts sur le béret du marin. Deux pays nécessitent de cette capacité d'adaptation, selon moi : 1° l'Espagne qui a déjà un quartier général dédié à une opération maritime, à Rota (lire : Au QG de l’opération anti-piraterie Atalanta à Rota (Cadiz)). 2° la France qui peut rapidement monter en puissance. Deux autres quartiers généraux existent dans l'Union européenne : Potsdam en Allemagne et Larrissa en Grèce. Mais le temps imparti pour monter en puissance un QG paraît trop court. Pour démarrer fin mars, il aurait fallu déjà prendre les dispositions aujourd'hui.

Changer de commandant d'opération : pourquoi pas

Reste le changement de commandant. C'est ce qui est de plus facile au niveau symbolique. Et c'est dans cette optique que les regards se tournent. En la matière plusieurs pays pourraient prétendre au titre : l'Espagne ou la Grèce par exemple (qui n'a pas de commandement d'opération), voire l'Allemagne ou la France. Et, pourquoi pas une femme commandante pour l'opération. Cela changerait véritablement non ?

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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