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Boris Johnson ne joue pas fair play. Le Royaume-Uni n’est pas un partenaire loyal de l’UE

(B2 - exclusif) Selon l'accord signé entre Londres et les Européens, dans le cadre du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, le Royaume-Uni doit se comporter « de manière constructive et responsable ». Un point rappelé lors de la dernière prolongation fin octobre. Force est de constater aujourd'hui que les Britanniques ne jouent pas (du tout) le jeu...

B. Johnson au Conseil européen d'octobre 2019 s'engage. Aujourd'hui il ne tient pas parole (crédit : Conseil européen)

La non nomination d'un commissaire européen

L'exemple le plus connu est l'absence de désignation d'un commissaire britannique dans la future Commission européenne. Raison invoquée par Boris Johnson : les élections parlementaires qui obligent le gouvernement à s'abstenir de toute nomination internationale. On peut comprendre... Mais cela a obligé à un tour de passe-passe juridico politique avec le lancement d'une simili-procédure en manquement par la Commission européenne contre le Royaume-Uni. Tandis que les 27 ambassadeurs de l'UE s'arrachaient les cheveux pour concocter une décision validant la Commission européenne en 'oubliant' le 28e commissaire (britannique).

Le refus d'adopter le budget de deux agences ...

Mais deux décisions prises très discrètement ces derniers jours le montrent, la 'position' britannique n'est pas 'fair play'. Le Royaume-Uni a ainsi refusé successivement de valider l'augmentation des budgets de l'agence européenne de défense (EDA), à la mi-novembre, et plus récemment du centre satellitaire de l'UE (SatCen). Lire : Agence européenne de défense. L’augmentation du budget bloquée par le Royaume-Uni) et Augmenter le budget du centre satellitaire de l’UE : c’est ‘No’ dit le Royaume-Uni). Des décisions hautement soupesées et où l'ordre de bloquer toute augmentation a été prise directement à Londres, au ministère de la Défense, comme chez le Premier ministre.

... liées à la sécurité et la défense européenne

Ces deux structures dépendantes du Haut représentant de l'UE, ne sont pas fort grandes. Elles n'en sont pas moins très utiles à l'autonomie européenne de défense : l'une pour expertiser tous les projets de défense en coopération, l'autre pour fournir des produits d'analyse satellitaires aux États membres. C'est peut-être ce qui gêne Londres. Car, en matière budgétaire, on ne peut pas dire que l'impact soit important. L'augmentation prévue représentait respectivement 2,375 millions d'euros pour l'EDA, 1 million d'euros pour le SatCen, au total, tous pays confondus. Ramenée à la quote-part du budget de la Couronne britannique, cela ne dépassait pas 500.000 euros. On ne peut pas dire que cela pouvait mettre en danger le déficit britannique.

Une position pas très loyale...

Cette position constitue, tout d'abord, une infraction caractérisée à l'engagement de ne « pas compromettre le bon fonctionnement de l'Union et de ses institutions » et de « s'abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union » (cf. encadré). L'enjeu électoral a sûrement pesé ; le gouvernement britannique ayant peur de tout sentiment de pouvoir prolonger son appartenance à l'UE.

... contradictoire avec les déclarations britanniques

Mais elle  est contradictoire avec la volonté britannique d'affirmer qu'il reste le garant de la sécurité européenne avant comme après le Brexit, voire de signer tout de suite après le Brexit un accord pour continuer à être partie prenante et bénéficier de ces structures européennes, comme l'indique une note du ministère de la Défense britannique parvenue à B2...

(Nicolas Gros-Verheyde)


L'engagement britannique

« Cette nouvelle prorogation ne saurait compromettre le bon fonctionnement de l'Union et de ses institutions. [...] Le Royaume-Uni restera un État membre jusqu'à la nouvelle date de retrait, avec tous les droits et obligations qui en découlent [...], y compris l'obligation de proposer un candidat en vue de sa nomination comme membre de la Commission.  Le Conseil européen rappelle l'engagement du Royaume-Uni d'agir de manière constructive et responsable tout au long de la période de prorogation, conformément au devoir de coopération loyale [...]. À cet effet, le Royaume-Uni facilite l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstient de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union, en particulier lorsqu'il participe aux processus décisionnels de l'Union. »

Extraits de la décision européenne prise le 29 octobre 2019 prolongeant le délai du Brexit jusqu'au 31 janvier 2020


 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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