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Une certaine décrispation des relations avec la Russie ?

(B2) Le retour de la Russie au Conseil de l'Europe ne tient pas uniquement du hasard de circonstances. Elle reflète une position franco-allemande visant à tempérer l'attitude actuelle vis-à-vis de Moscou

L'objectif n'est pas de 'copiner' avec le Kremlin, mais d'avoir une attitude moins ostracisante, plus responsable et plus respectueuse vis-à-vis d'un pays qui reste tout de même une des principales puissances mondiales et... un voisin.

La politique de durcissement n'a pas payé

Le constat est frappant. La volonté de plusieurs pays — de l'Est notamment, mais aussi de la Suède et des Pays-Bas comme du Royaume-Uni — d'avoir une position de plus en plus dure vis-à-vis de la Russie ne produit pas les effets escomptés. Certes, la fermeté européenne a été visible, mais elle n'a entraîné aucun changement dans la politique russe depuis cinq ans. Au contraire. Le conflit en Ukraine perdure, les tentatives d'entrisme dans les républiques voisines aussi. Et, crise après crise, le Kremlin avance ses pions sur la scène internationale. Certes son budget de la défense reste modeste : 66,3 milliards $ en 2017 selon le SIPRI à comparer aux quelque 150 milliards $ des budgets cumulés français, britannique et allemand (selon les mêmes sources). Mais la Russie maintient un tempo d'engagement élevé et, surtout, n'hésite pas à payer le prix du sang, là où la plupart des pays européens s'alarment au moindre blessé grave.

Une présence russe qui s'affirme

Moscou a ainsi gagné sa première guerre depuis des années en intervenant en Syrie depuis 2014. Intervention quelque peu minorée au départ par certains experts et sources militaires occidentales, mais qui a prouvé son efficacité. Son retour en Afrique s'affirme clairement : outre la présence renforcée en Centrafrique (via des sociétés privées liés à la sphère gouvernementale), la Russie s'affiche au Congo Brazzaville et dans plusieurs pays de zone francophone. Et elle veille au grain dans le conflit libyen. Enfin, ses navires restent bien présents de la mer Noire à l'Océan indien, en passant par la Méditerranée ou la mer de Chine. Face à une façade sud qui s'embrase, de l'Iran à l'Algérie, face à un allié américain qui souffle sur les braises, Paris et Berlin sont d'accord : il importe de renouer le contact avec les Russes, d'envoyer quelques signaux positifs, sans lâcher l'essentiel — la non-reconnaissance de l'annexion de la Crimée par exemple.

Trouver des voies de convergence avec la Russie

L'enjeu principal recherché par le couple franco-allemand est d'apaiser le conflit à l'Est de l'Ukraine, de relancer le processus de Minsk aujourd'hui bloqué, et de s'assurer ainsi d'un certain pôle de stabilité à l'Est du continent. Il s'agit aussi de garder la Russie à bord de l'accord sur le nucléaire iranien. Le dispositif de commerce 'légitime' avec l'Iran mis en place sous forme d'une société (Instex) devrait ainsi lui être ouvert. C'est paradoxal, mais aujourd'hui, sur plusieurs dossiers internationaux (Iran, processus de paix au Proche-Orient et statut de Jérusalem, situation dans le Golfe, multilatéralisme...), la Russie semble plus proche, parfois, des positions européennes que de celles des Américains. D'où un nécessaire recentrage de la politique européenne.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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