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La nouvelle donne nationaliste au Parlement européen. La vision du groupe I&D

(B2) La création du nouveau groupe 'nationaliste' situé à l'extrême droite de l'échiquier européen constitue, même si d'aucuns le minimisent, un évènement dans le cercle ouaté du Parlement européen

Marine Le Pen (RN), Marco Zannni (Lega Nord) et Jörg Meuthen (AFD) lors de la conférence de presse (crédit : Parlement européen - sélection B2)

Avec ses 73 députés, le groupe dénommé 'Identité et Démocratie' (I&D) (cf. encadré) est le cinquième de l'hémicycle (1), juste derrière les Verts. A défaut d'obtenir des postes-clés dans la direction du Parlement — vice-présidence ou de présidence de commission parlementaire notamment — il pourrait peser sur les débats.

Lors de leur première conférence de presse, mouvementée (lire : Face à certaines dérives, notre devoir : rappeler la règle démocratique), le 13 juin dernier, les dirigeants du nouveau groupe nationaliste ont donné quelques indications sur leur politique, la cohérence du groupe, le Brexit, le sens de l'Union européenne, leur implication dans les instances de direction du Parlement, etc.

La maturité gouvernementale

C'est un «  groupe légèrement différent car la participation de plusieurs d'entre nous à des gouvernements nous donne une maturité différente » insiste Marine Le Pen, chef du Rassemblement national (RN). « Il y a un bloc souverainiste d'environ 200 voix. Cela va s'amplifier et recomposera l'offre politique au sein de ce Parlement. C'est une perspective enthousiasmante. » Et d'ajouter : « Toutes ces forces vont converger pour faire des propositions, donner une nouvelle coloration politique » aux discussions de l'assemblée européenne.

La répartition des postes

« Le Parlement européen respectera-t-il la démocratie, le poids que nous représentons ? Ou offriront-ils les responsabilités à laquelle on a droit ? » s'interroge la Française. Et d'ajouter : « Les choses doivent changer, car les citoyens l'exigent ».

Une vision cohérente

« Notre groupe est peut-être le plus cohérent de tous les groupes qui vont voir le jour au Parlement européen » a réagi Marine Le Pen, face aux questions des journalistes sur la cohérence du groupe. « Nous ne sommes pas des enfants, nous sommes des responsables politiques. Nous avons beaucoup travaillé en amont. Nous savons pertinemment que nous sommes des nations différentes, nous avons des différences, mais nous avons une vision commune. »

La volonté de changer l'Union européenne pas de la détruire

« Personne ne souhaite la destruction de l'Union européenne. Ce que nous souhaitons c'est un changement radical » a précisé l'eurodéputé italien de la Ligue du Nord, Marco Zanni, président du groupe. Un point qui semble intéressant dans le discours et s'inscrit ainsi en faux contre une vision nihiliste des Brexiteurs de Nigel Farage.

L'axe central : le respect des identités nationales, y compris britanniques

« Nous respectons les identités nationales et les choix nationaux... » a ajouté l'Italien interrogé sur le départ du Royaume-Uni de l'UE : c'est « le choix des Britanniques. Nous devons le respecter. »

Des négociations avortées avec Brexit et Vox

Il a donné aussi quelques explications sur les négociations avortées avec certains autres groupes (comme Brexit ou Vox). « La porte reste ouverte à tous ceux qui veulent coopérer avec nous. Ceux qui partagent notre ligne politique peuvent discuter avec nous. Mais tous ceux qui veulent adhérer à ce groupe doivent adhérer à notre déclaration » a commenté Marco Zanni faisant référence à Nigel Farage (Brexit) qui ne semble pas avoir voulu signer cette déclaration. Avec Vox « il y a eu des discussions, on a dit qu'ils étaient toujours prêts à coopérer, il se pourrait qu'ils rejoignent l'ECR [le groupe conservateur]. »

Supprimer les sanctions sur la Russie

« Clairement, nous ne sommes pas pour une prolongation des sanctions sur la Russie » assure Jörg Meuthen (AfD). « Elles n'ont rien changé. Il faut trouver une voie pragmatique avec la Russie. »

(Nicolas Gros-Verheyde)


Le groupe I & D : un pied de nez à Nigel Farage

Le nom du nouveau groupe nationaliste 'Identité et Démocratie' dira quelque chose aux habitués des travées européennes. J'ai recherché dans mes archives. Ses initiales (I&D) ont déjà été utilisées dans le passé pour désigner le groupe eurosceptique, dirigé par le Danois Jens-Peter Bonde et le Britannique Nigel Farage dans la 6e législature, de 2004 à 2009 : « Indépendance et Démocratie » !

Formé en juillet 2004, sur les décombres de l’ancien groupe Europe des démocraties et des diversités (EDD), 'Indépendance et Démocratie' était formé 24 députés de 9 pays. Mais c'étaient les députés britanniques de UKIP qui en formaient l'ossature principale (avec 10 députés). Leur motif : l’opposition à la Constitution européenne et la résistance contre la « centralisation et la bureaucratisation de l’Europe ».


(1) Et non le quatrième comme l'a indiqué Marco Zanni. Lire aussi : Elections 2019. Les groupes politiques au Parlement européen se constituent peu à peu

NB : ce papier avait été préparé dans la foulée de la conférence de presse du groupe, mais je l'ai temporisé dans sa publication, le temps que les comportements pour le moins difficilement qualifiables de certains eurodéputés RN et administrateurs du groupe s'estompent pour avoir toute la sérénité nécessaire à un article aussi objectif que possible.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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