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La libération des otages au Burkina Faso : de la rigueur et de l’audace. Les détails de l’opération (Gén. Lecointre) (V2)

(crédit : Denniel / Marine nationale)

(B2) L'opération de libération des deux otages français Patrick Picque et Laurent Lassimouillas au Burkina Faso a été « d'une grande complexité, réglée comme de l'horlogerie extrêmement fine » affirme le chef d'état-major français, François Lecointre. Les détails donnés le prouvent 

Cet effort pour libérer les otages n'est pas une première. La France a pour habitude de libérer ses ressortissants, au besoin par la force, loin des frontières (Lire La France n’abandonne jamais ses ressortissants. Audace et entraînement)

Rigueur et audace

L'intervention des forces françaises pour libérer les otages a été « remarquable dans la ferme sophistication du montage de l'opération et de la saisie d'opportunités, sur la base d'un raisonnement très rigoureux et d'une planification très fine, avec l'audace qui devait absolument prévaloir car l'occasion se présentait [alors] et ne se serait pas représentée le lendemain » a indiqué le général Lecointre, lors d'une conférence de presse organisée vendredi (10 mai), détaillant toutes les phases de cette opération.

Une intervention entamée très tôt par le renseignement

L'opération a commencé dès le lendemain de la prise des otages. « Dès l’annonce de la disparition des deux Français, il y a eu la mise en place […] d'un ensemble de moyens qui permettent d'acquérir du renseignement. » « Les forces françaises de l'opération Barkhane, la direction du renseignement militaire, avec l’appui de nos alliés américains » ont été mis à contribution « en étroite liaison avec les Burkinabés ». Moyens « complétés par une opération discrète menée le 7 mai, cinq jours après la prise d'otages, par les forces spéciales françaises, permettant de préciser le renseignement et d'établir une traque très précise ».

Les ravisseurs proches de la frontière du Mali

A ce moment, « les ravisseurs, progressivement, sont en train d'emmener les otages au nord du Burkina Faso, à la frontière avec le Mali ». Le tout « sur un espace grand comme la moitié de la France. » Les renseignements « font prendre la mesure d'un risque, voire plus l'organisation sans doute du transfert des otages vers une autre organisation terroriste qui agit au Mali, la Katiba Macina, avec le risque qu'il devienne absolument impossible de réaliser une quelconque opération de libération des otages ». Tant que « le convoi se déplace, il était impossible d’agir ». Les Français décident alors d'attendre le moment propice : une halte du convoi.

Le moment décisif d'intervention

Jeudi (9 mai), il est confirmé que les ravisseurs ont fait une halte, encore en territoire burkinabé, dernière possibilité qui s'offre aux Français d'intervenir. Le président de la République est averti. Emmanuel Macron « valide » le plan d'opération. L'ordre est alors donné à l'amiral Isnard, qui assure le commandement des opérations spéciales, d'y aller. Le général Lecointre rend alors compte à la ministre des Armées.

Une opération d'une grande complexité

Cette opération commence avec la mise en place, « par anticipation, des moyens chirurgicaux de l'avant (engagés depuis la France), permettant de soigner des blessés ; des moyens logistiques permettant d'avoir des plots de ravitaillement ; des moyens hélicoptères permettant l'évacuation des effectifs et des otages une fois libérés et, enfin, la mise en place des commandos ».

Une infiltration de nuit

Vient ensuite le moment de l'intervention. Les objectifs sont précis. Il s'agit de quatre abris. Les commandos de forces spéciales, une vingtaine de militaires, « s'infiltrent ainsi, en nuit noire, progressant sur 200 mètres, à terrain découvert, dans un silence absolu. Une sentinelle qui veillait ne les a pas détectés. » Les commandos pénètrent ensuite « dans les abris, sans ouvrir le feu ».

Les forces spéciales montent à l'assaut

Au moment où ils sont détectés, « ils sont à une dizaine de mètres. Ils entendent les terroristes armer leurs armes. Ils décident de monter à l'assaut toujours sans utiliser les armes, pour être certain ne pas ne faire de pertes parmi les otages, ou les civils ou familles des terroristes qui seraient présents dans le camp. » C'est lors de cette pénétration dans « deux de ces abris, que les deux commandos marine ont été tués à très courte distance [à bout portant] par deux des ravisseurs ».

Un soutien burkinabé et américain

Il y a eu une « coordination très fine avec les burkinabés qui participaient au soutien logistique ». Ils ont notamment assuré la garde des différents plots de ravitaillement mis en place pour permettre la progression des commandos. Les forces américaines ont, elles, apporté un soutien essentiellement par du « renseignement », comme ils le font « régulièrement » dans cette opération au Sahel, avec sans nul doute des drones (type Reaper), des moyens de type IST (Intelligence, Surveillance & Reconnaissance). Elles « ne sont pas intervenues dans la libération à proprement parler des otages » a précisé la ministre des Armées Florence Parly.

(NGV)


Six ravisseurs : six tués ou quatre tués ?

Les ravisseurs étaient au nombre de six selon les autorités françaises. Mais le bilan final reste contradictoire. Les autorités ont affirmé deux versions. « Les ravisseurs qui tentaient de s'évader ont été abattus. Et parmi les ravisseurs qui tentaient d'engager le combat quatre d'entre eux ont été tués » a d'abord indiqué le général Lecointre. Puis dans la même conférence de presse, il précise que deux ravisseurs « s'étaient enfuis » et quatre ont été tués. Version de la ministre des Armées, Florence Parly.


Télécharger le son de la conférence de presse

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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