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La position européenne au Venezuela : difficile à saisir

(B2) L'attitude des Européens face à la situation au Venezuela laisse un tantinet perplexe. Autant la position a été assez claire au début, en faveur d'un dialogue, appelant Maduro à respecter les droits de l'Homme et l'opposition, etc. Autant on reste dubitatif face au tournant pris ces derniers jours

Réfugiés franchissant la frontière colombienne en provenance du Venezuela (crédit : ECHO/CE, mars 2018)

Une position qui lambine

Cela fait plus de deux ans que la crise vénézuélienne est à l'agenda des Européens (lire notre dossier n°68 : les Européens face à la crise au Venezuela). Et ceux-ci n'ont pas réussi à imprimer leur rythme et leur méthode. Ils ont longtemps tergiversé, avant finalement d'annoncer vendredi dernier (1er février), à Bucarest, à l'occasion de leur réunion informelle, la création d'un groupe de contact international, composé de façon pléthorique de huit pays côté européen. Il serait faux de croire qu'il s'agit d'un groupe de médiateurs. L'ambition n'est « plus d'avoir un dialogue, c'est trop tard, mais de faire pression sur le régime pour obtenir des élections » explique un haut diplomate européen.

Puis une reconnaissance au pas de course

Dans le même temps, les principaux pays européens (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni) suivis par une quinzaine d'autres, ont décidé de reconnaitre le président de l'assemblée Juan Guaidó, comme seule entité légitime (1). Le délai de huit jours laissé au régime Maduro pour changer de position n'était pas acceptable, et ressemble largement à une volonté d'ingérence démocratique. Une position davantage liée à la politique américaine d'intervenir directement dans la crise. Les Européens ne voulant pas apparaitre à la traîne de Washington (2).

Une position contradictoire

Cette position double — d'un côté le groupe de contact qui peine à se mettre en place, de l'autre la reconnaissance au pas de course — est difficile à comprendre, voire contradictoire. Certes, les Européens peuvent espérer couper l'herbe sous le pied à une tentation d'intervention militaire. Mais le jeu est éminemment risqué. Car cette ultime tentative, en forme de coup de poker, pourrait apparaître rapidement comme un leurre.

Un pari risqué

Si Nicolás Maduro, soutenu par la Russie de façon indirecte et quelques gouvernements latino-américains, joue l'épreuve de force et fait intervenir l'armée, suscitant au besoin une réplique américaine, que vont faire les Européens ? L'intervention est hors de portée. On en reviendra donc aux fondamentaux européens : appel au calme, à la restriction de l'usage de la force, et... envoi d'aide humanitaire. Les Européens seront, alors, contraints de faire aveu de faiblesse, en étant les spectateurs de la force. Une nouvelle fois. Comme ils l'ont fait déjà en Libye, en Syrie et en Ukraine. Et chacun se posera alors la question : les Européens, combien de divisions ?

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Une reconnaissance effectuée de façon étonnante : via twitter, dans des déclarations à des médias, etc. Sans position gouvernementale explicitée, écrite, authentifiée.
  2. On peut aussi y voir une sorte de 'contrepartie' diplomatique à la décision courageuse des E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni) d'affronter nettement le régime Trump sur la question du nucléaire iranien. Lire : La mise en place du SPV, l’instrument de troc avec l’Iran, une symbolique forte

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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