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La fin du changement d’heure. Un petit coup digne de Machiavel

(B2) Le changement de position, surprise, de la Commission européenne sur l'heure d'été procède en fait d'un petit calcul... digne de Machiavel, tel que nous avons pu le reconstituer 

La question du changement d'heure est très cyniquement liée à une demande allemande : CDU, CSU estiment qu'il faut montrer à la population que tout n'est pas décidé à Bruxelles. Ce qu'on nomme en terme techno la 'subsidiarité'. Histoire de mettre en musique ce changement à 180° de la position de la Commission européenne, qui n'avait jamais jusqu'ici voulu modifier le dispositif horaire, le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, est prié de plancher sur le sujet.

Une commande du 13e à Timmermans

« Une commande du treizième étage » explique une source européenne. En clair, là où siège l'équipe de Juncker. « Ce n'est pas un rapport que le commissaire voulait. » Et il n'a pas vraiment eu toute latitude pour le rédiger. Le projet de rapport est écrit, en fait, par l'équipe du secrétaire général (Martin Selmayr). Timmermans voit arriver certains chapitres, sur lequel il n'est pas vraiment d'accord (1). Le commissaire demande qu'ils soient enlevés notamment celui sur l'heure d'été. Le rapport qui sort au mois de juillet est, en fait, aseptisé et ne connaitra pas un grand retentissement.

Consulter la population

L'idée de supprimer le changement d'heure n'est cependant pas abandonnée. Elle va revenir par la bande. Une consultation publique est organisée durant l'été. Elle dure du 4 juillet au 16 août et recueille 4,6 millions de réponses (dont plus de 3 millions d'Allemagne). Sans surprise, une large majorité des réponses (84%) se prononcent pour l'abolition du dispositif.

Résultat, pays par pays (source : Commission européenne)

Illico presto, la Commission, ou plutôt Jean-Claude Juncker seul, approuve la position. Il rend public fin août sa décision sur la télévision allemande, ZDF. « Lorsque l'on consulte les citoyens sur quelque chose il convient aussi ensuite de faire ce qu'ils souhaitent », justifie le Luxembourgeois. Mais sous couvert de respecter une certaine volonté démocratique, se cache des objectifs un peu moins avouables comme nous l'a avoué une source interne, généralement bien informée. L'objectif n'est pas vraiment de supprimer le passage à l'heure d'été, mais de laisser chaque État membre décider du passage. Un plan « très machiavélique en fait ».

Un plan machiavélique

Il ne s'agit pas vraiment de rendre une compétence, mais de montrer que (sans la Commission), les États membres sont incapables de décider et de s'entendre. Plusieurs commissaires se sont d'ailleurs élevés contre cette 'brillante' idée, lors du dernier séminaire tenu à Genval. Sans succès. L'idée provient de Martin Selmayr, l'ancien chef de cabinet du président, qui même devenu secrétaire général de la Commission continue, plus que jamais, d'avoir l’œil et la main sur toutes les décisions. Il n'entend pas démordre ainsi d'une idée sensée rapprocher la Commission du peuple.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Entre les deux hommes, ce n'est d'ailleurs pas l'amour fou. Comme le raconte un bon connaisseur des deux hommes, entre Timmermans et Selmayr, « il y a toujours un antagonisme ». Et il ne semble pas prêt de diminuer. « Il n'y a en fait qu'un seul premier vice-président. Et ce n'est pas celui... qui a le titre. » Sous-entendu c'est Selmayr.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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