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Qui est le groupe Wagner, les privés de Poutine qui agissent en Syrie ?

crédit : mbk.media

(B2) La Russie a désormais recours également à des sociétés privés pour assurer les guerres discrètes qu'elle mène à l'Est de l'Ukraine en Syrie ou assurer sa présence sur des terrains nouveaux comme en Centrafrique (lire : L’embargo sur les armes en Centrafrique allégé, le dispositif de sanctions renforcé). Le groupe Wagner est l'un d'entre eux. La mort de plusieurs de ses 'employés' le 7 février dernier en Syrie, dans la région de Deir Eezzor, a braqué le projecteur sur ces soldats de l'ombre. Elle illustre ce qu'on peut appeler Une nouvelle guerre froide.

Que s'est-il passé le 7 février ?

Le 7 février dernier, Washington annonçait avoir tué au moins 100 combattants pro-régime dans la région de Deir Eezzor, dans un raid aérien accompli pour desserrer l'étau autour du QG de combattants kurdes et arabes syriens soutenus par les États-Unis. Un chiffre qui coïncide avec d'autres sources médicales russes interrogées par Reuters, qui parle d'environ 300 hommes tués ou blessés, lors de la bataille du 7 février. « Au moins trois avions ont rapatrié vers Moscou des blessés » le week-end suivant la bataille.

Combien de victimes exactement ?

Ce chiffre de 300 victimes est confirmé indirectement par Yevgeny Shabayev, le chef d'une section locale d'une organisation paramilitaire cosaque liée aux entrepreneurs militaires russes, qui a déclaré à Reuters avoir visité des connaissances blessées en Syrie à l'hôpital central du ministère de la défense à Khimki, dans la banlieue de Moscou, mercredi (15 février). « Des deux unités combattantes impliquées dans la bataille près de Deir al-Zor, qui comptaient 550 hommes, il y en en reste seulement 200 qui sont indemnes » a-t-il déclaré (1).

L'action de cette société est-elle officielle ?

Cette organisation n'a aucune existence légale, les sociétés militaires privées étant interdites en Russie. Mais la société Wagner a été « une composante essentielle des opérations russes à Lattaquié et dans l'est de la Syrie », explique Kirill Mikhaïlov, du Conflict Intelligence Team, à l'AFP. Wagner a aussi été actif dans la reprise de la cité antique de Palmyre, conquise à l'organisation de l'État islamique (Daech) en mars 2016. Ce groupe complète ainsi sur le terrain la tâche des militaires russes stationnés en Syrie dans le cadre de la campagne de frappes aériennes lancées depuis 2015 par Vladimir Poutine pour soutenir le régime de Bachar al-Assad.

Quel est l'intérêt d'utiliser de telles troupes ?

L'avantage des privés est triple : les autorités russes ne sont pas responsables de leurs méthodes ou exactions. Ils peuvent nier toute implication directe, s'en dédouaner, voire même les condamner en cas de problèmes ('ce sont des initiatives individuelles'). Ils ne sont pas comptables des pertes. Mais ils bénéficient de leur action sur le terrain. Mais selon Pavel Baev, un chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri), « le problème avec des entreprises comme Wagner est qu'ils ne sont jamais totalement contrôlables ».

Qui est le groupe Wagner ?

Wagner est créé par un ancien officier du GRU (renseignements militaires russes), Dmitri Outkine, qui a fait partie d'un premier convoi de mercenaires russes envoyés en Syrie à l'automne 2013. Mal préparés, leur aventure se termine en fiasco. Dmitri Outkine participe ensuite à partir de juin 2014 aux combats dans l'est de l'Ukraine avec les séparatistes pro-russes, selon des médias et les services ukrainiens.

Né dans l'Est de l'Ukraine ?

Ce conflit constitue l'acte de naissance du "groupe Wagner". Dans cette région, la Russie a toujours réfuté toute présence militaire, malgré les affirmations de Kiev et des Occidentaux ainsi que des témoignages Vladimir Poutine ayant seulement admis que des soldats de l'armée russe pouvaient s'y rendre sur leur temps libre.

La Syrie, le terrain d'expansion

En Syrie, la présence de Dmitri Outkine remonte à l'automne 2015, quand la Russie lance son intervention en soutien au régime de Bachar al-Assad. En décembre 2016, cet homme chauve né en 1970 était même reçu au Kremlin, apparaissant à la télévision lors d'une cérémonie en hommage aux 'Héros' de Syrie. Le même jour, il est pris en photo avec Vladimir Poutine.

Qui finance l'organisation ?

Le financier de l'organisation se nommerait Evguéni Prigojine. Proche du président russe, cet homme d'affaires de Saint-Pétersbourg a fait fortune dans la restauration avant de conclure de nombreux contrats avec l'armée ou l'administration russe. Il se trouve aujourd'hui inculpé par la justice américaine qui le soupçonne d'être derrière une 'usine à trolls' à l'origine de messages viraux sur internet pour favoriser Donald Trump en 2016. Grâce à l'armée russe, les capacités militaires de Wagner excédaient, selon Kirill Mikhaïlov, « celles de n'importe quelle société privée militaire occidentale ». Y compris celles de Blackwater, la société américaine ayant opéré pour le gouvernement américain en Irak.

Combien sont-ils ?

Le nombre d'hommes de Wagner en Syrie a varié mais le journal en ligne Republic, citant des sources sécuritaires russes, évoque la présence de 2.500 mercenaires en Syrie en mars 2016, dont 1.600 combattants, et un budget de 350 millions de dollars depuis le début de l'opération. « Dans l'essentiel, c'est des ratés. Environ 40% ont été détenus pour des crimes graves », estime un vétéran de la société cité par l'hebdomadaire Soverchenno Sekretno (Top Secret).

Qu'est-ce que l'opération pétrole contre protection ?

En raison des tensions avec l'armée russe sur le terrain et de luttes d'influence à Moscou, Wagner aurait perdu en 2016 la confiance du ministère de la Défense, qui le finançait allègrement jusqu'à présent et fournissait armes et matériel. Ces difficultés ont « conduit Evguéni Prigojine à chercher d'autres contrats, notamment celui avec Damas selon lequel Wagner libèrerait les champs et infrastructures pétrolières en échange de 25% de la production », souligne Kirill Mikhaïlov. L'homme d'affaires a créé une société nommée Evro Polis, qui a signé cet accord avec le gouvernement syrien en décembre 2016. Depuis, selon les médias russes, c'est cette société qui verse leurs salaires (entre 200 et 300.000 roubles par mois) aux paramilitaires. « Le nombre de mercenaires et la durée des opérations demandent un financement bien supérieur à ce qu'un oligarque de taille moyenne peut réunir », estime Pavel Baev. « Il est très probable que les entreprises de Prigojine représentent une plaque tournante par laquelle transitent les financements provenant d'autres sources ».

(avec AFP)

En savoir plus : Youtube (en russe) et Mbkmédia (Mikhail Khodorkovsky)

(1) Les responsables russes n'ont reconnu officiellement la mort que de cinq citoyens et « plusieurs dizaines » blessés, mais qu'ils étaient « allés en Syrie de leur propre initiative ».

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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