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Les Russes entraînent l’armée centrafricaine à la place des Européens

(B2) Après de longues tractations à l'ONU, des instructeurs venus de Russie ont pris possession d'une demeure de l'ex-président Jean-Bedel Bokassa près de Bangui, pour y former des militaires centrafricains à manier des armes russes.

Une présence autorisée par l'ONU

Cet envoi de matériel militaire et d'instructeurs russes dans un pays soumis à un embargo sur les armes depuis 2013 avait provoqué des remous et des interrogations à l'ONU, en particulier de la part des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Washington, Londres et Paris avaient finalement accepté l'exemption accordée à Moscou en décembre 2017, en lui demandant des mesures renforcées de stockage des armes livrées. « Il n'y a pas encore eu de réelles inspections », selon une source diplomatique.

Deux bataillons formés par les Russes

Le stock d'armement livré à la Centrafrique est conséquent : pistolets, fusils d'assaut, mitrailleuses ou encore lance-roquettes. La Russie a également reçu l'autorisation de l'ONU d'entraîner l'armée centrafricaine en pleine reconstruction - deux bataillons, soit au total 1.300 hommes - à l'utilisation de ces armes.

Dans le palais de Berengo

L'immense palais de Berengo, à 60 km à l'ouest de Bangui, semble à l'abandon: mais depuis fin janvier, cette bâtisse, où vivait Jean-Bedel Bokassa, président puis empereur de 1966 à 1979, abrite désormais un camp d'entraînement militaire de 41 hectares, a constaté un journaliste de l'AFP. Plus de 150 instructeurs russes, indique-t-on de source diplomatique, y forment des centaines de soldats des Forces armées centrafricaines (FACA) au maniement des armes livrées.

Un bataillon de soldats, certains formés par les Européens

A première vue, au palais de Berengo, seuls quelques soldats centrafricains montent la garde. Surgit alors une poignée de Russes en tenue militaire. L'un d'eux autorise les journalistes à faire quelques pas jusqu'à la tombe de Bokassa, située dans l'enceinte du palais, mais à une condition, répétée deux fois: « No photo, no video, no interview ». Une dizaine de grandes tentes sont alignées à la droite de la tombe fleurie de l'empereur. Elles abritent un bataillon de soldats des FACA, dont certains ont déjà été entraînés par la mission de formation de l'Union européenne (EUTM) en 2017.

L'entraînement à la dure

« Ces soldats sont à Berengo pour le +marquage+. C'est-à-dire qu'ils apprennent à travailler avec l'équipement spécifique livré par la Russie », explique une source militaire. « L'entraînement est très dur », souffle un militaire centrafricain croisé à l'entrée du camp. Aux alentours du palais, les instructeurs russes sont vus d'un très bon œil par la population locale.

Sortir le pays du chaos

Ils « vont aider le pays à sortir du chaos, les Sangaris (l'opération militaire française) n'avaient pas fini leur mission », affirme Roger Okoa-Penguia, le maire de Pissa, un village proche du palais. « Ils sont gentils, ils achètent à manger, ça fait marcher le commerce », se réjouit Alexis, un habitant de Pissa. Un autre, Thibault, fait part du même enthousiasme, en critiquant la France: « Vous faites semblant de nous aider, les Français, vous signez des accords et vous ne faites rien alors que les Russes si ! Si vous aviez ramené la sécurité, est-ce qu'on aurait eu besoin des Russes ? ».

(AFP Charles BOUESSEL)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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