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En Méditerranée, Sophia (UE) et Sea Guardian (OTAN) se parlent

La frégate espagnole ESPS Navarra (F-85), la frégate italienne Euro (F-575) et la frégate belge Louise Marie (F-931) en patrouille en Méditerranée (crédit : OTAN/Marcom)

(B2) Francisco Javier Vázquez Sanz, le commandant du groupe opérationnel pour l'opération Sea Guardian de l'OTAN a rendu visite au contre-amiral italien Alberto Maffeis, le commandant de la force maritime de l'UE EUNAVFOR Med, à bord du navire amiral ITS San Giusto de l'opération Sophia, le 24 février dernier. Objet de la rencontre : discuter de la coordination au niveau tactique et du partage de l'information dans la Méditerranée centrale. Ils ont ainsi parlé, « des options visant à renforcer les liens et les réseaux de partage d'informations qui soutiennent à la fois l'opération Sea Guardian et l'opération Sophia ».

Un objectif : le recueil d'information

L'opération Sea Guardian a, en effet, un objectif principal : « recueillir des informations et surveiller les business model afin de détecter les activités suspectes en mer ». L'OTAN et l'UE échangent « quotidiennement des rapports de situation et des projets de navigation, ainsi que les calendriers d'opérations aériennes, de surface et sous-marines ». Ce partage des informations « permet d'éviter les doubles emplois dans les tâches [comme] de dresser un tableau plus large des activités maritimes en Méditerranée centrale ». Cet échange continu d'informations et la coordination permettent « d'accroître l'efficacité de l'opération ainsi que la couverture du territoire », indique le communiqué de l'OTAN.

Malgré deux chaînes hiérarchiques différentes...

L'information recueillie par les navires de l'OTAN est communiquée au QG de l'OTAN, au commandement maritime allié (Marcom pour les intimes) situé à Northwood, près de Londres. Après avoir été « compilée et traitée », elle est « partagée entre les marines alliées et partenaires » comme avec les navires de l'opération Sophia de l'Union européenne.

De son côté, l'information recueillie par les navires de Sophia remontent au QG d'opération situé à Rome (dans l'enceinte du QG de la marine italienne), puis à Bruxelles à l'état-major de l'UE, où il est normalement partagé entre tous les États membres (via des rapports réguliers d'opération). NB : Dans les faits, un premier partage et une diffusion de l'information est faite entre les principales nations participant à l'opération EUNAVFOR Med.

... une certaine bonne coordination

La présence dans les deux opérations de navires italien et espagnol participent ainsi de la bonne coopération entre les deux organisations. Elle rend « les échanges plus fluides » comme l'a confirmé à B2 un officier. L'échange d'informations qui ne peut être fait officiellement ou directement entre les deux organisations (du fait de la divergence sur Chypre et la Turquie), se réalise en fait via les forces participantes, notamment italiennes ou espagnoles, qui centralisent ainsi une bonne part de l'information recueillie, chacune pour la zone les concernant.

Un champ d'investigation différent

Malgré une similitude apparente, il reste de singulières différences entre les deux opérations. Le champ de surveillance des navires de l'OTAN est ainsi un peu plus large que celui de l'opération Sophia puisqu'il s'étend jusqu'à l'Espagne. Les navires, aéronefs et sous-marins de l'OTAN effectuent des patrouilles « ciblées dans le centre et l'ouest de la Méditerranée », là où l'opération Sophia se concentre normalement sur la Méditerranée centrale. Son objectif est aussi largement différent. Les navires de l'OTAN, même si cela n'est pas indiqué publiquement, ont aussi pour fonction de surveiller les navires de puissance étrangère (russes par exemple) qui se trouvent dans les parages.

Un fonctionnement légèrement différent

Le fonctionnement des deux missions est aussi légèrement différent. La mission Sea Guardian en Méditerranée est intermittente, de l'ordre de quelques semaines par trimestre, là où l'opération européenne est présente en permanence sur la zone 24h sur 24. La période actuelle est ainsi limitée, entre le 12 février et le 4 mars, pour Sea Guardian.

Pas d'intervention au titre du chapitre VII

La mission Sea Guardian n'est pas basée sur le principe de solidarité (le fameux article 5 du Traité de l'Atlantique Nord). Elle se veut plutôt « une réponse à l'évolution de l'environnement de sécurité maritime en Méditerranée ». Elle ne bénéficie spécifiquement pas d'une autorisation d'intervention par la force au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies, contrairement à l'opération européenne Sophia qui a reçu mandat en ce sens (au titre de la résolution 2240 adoptée le 9 octobre 2015). Mais elle peut intervenir, comme tout navire d'un pays membre de l'ONU, pour faire respecter l'embargo sur les armes à destination de la Libye mis en place en 2011 (3).

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Le quartier général de Marcom est ainsi basé dans la même enceinte que le QG de l'opération européenne anti-piraterie EUNAVFOR Atalanta.

(2) Elle regroupe des forces variables selon les moments, essentiellement fournies par les pays côtiers — un navire italien et un navire espagnol en ce moment, renforcés par un navire belge. La frégate espagnole ESPS Navarra (F-85), qui assume le rôle de navire-amiral, la frégate italienne Euro de la classe Maestrale (F-575), la frégate belge Louise Marie (F-931).

(3) Résolution 1970 du Conseil de sécurité du 26 février 2011, prolongée régulièrement depuis.

(crédit photo : Marcom / OTAN)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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