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Des Estoniens en soutien aux Français de Barkhane à Gao

Les Estoniens avaient déjà participé à l'opération EUFOR RCA aux côtés des Français (crédit : MOD estonie)

(B2) Le gouvernement estonien a décidé aujourd'hui (22 mars) de déployer un détachement de 50 militaires aux côtés des Français, à Gao, dans le cadre de l'opération Barkhane. C'est devenu une tradition pour le pays balte le plus au nord de l'Europe, qui n'hésite pas à être solidaire là où d'autres pays, plus grands, mieux dotés préfèrent rester dans leurs pantoufles.

Cette proposition de mandat a été approuvée par le gouvernement ce jeudi. Le Riigikogu (l'assemblée estonienne) doit encore donner son aval.

Chargé de la protection de la base de Gao

Dans l'opération Barkhane, le contingent estonien sera chargé, sous commandement français, d'assurer la sécurité de la base et de ses environs immédiats. Y participeront, selon nos informations, une unité d'infanterie, une unité de transport et l'élément de support. La durée de la mission sera de un an.

Un exemple de solidarité réciproque

Pour le Premier ministre Jüri Ratas, cette décision de contribuer à une opération terroriste est un « autre » exemple de la « très bonne coopération » entre l'Estonie et la France. « Les pays ne prennent pas à la légère les décisions d'envoyer leurs troupes. Le fait que la France et l'Estonie, à plusieurs reprises, au cours des dernières années, ont trouvé des façons d'avoir une coopération pratique entre les deux pays est sans aucun doute un signe d'une relation très proche », a-t-il déclaré.

Affirmer l'image d'une Estonie réactive

Pour le ministre de la Défense, Juri Luik, il y a deux raisons supplémentaires à cette participation. Un objectif stratégique tout d'abord. « En participant à une opération visant à créer une stabilité pour la zone Sud et l'Union européenne, nous soutenons notre puissant allié en Europe ». Deuxièmement, il s'agit « d'affirmer l'image de l'Estonie en tant que pays prêt à contribuer à assurer la sécurité partout où il existe des menaces sécuritaires majeures pour l'Europe ».

Les Estoniens, partisans de l'entrée en premier

L'Estonie est un des premiers pays partenaires invités par la France à participer à l'opération Barkhane. Cette participation répond, en effet, à une invitation française. La ministre française de la Défense, Florence Parly, avait invité l'Estonie à y participer en janvier. Le gouvernement malien a ensuite donné son approbation formelle.

En plus de l'Estonie, le Royaume-Uni a également annoncé sa contribution prévue à l'opération. Et l'Espagne participe déjà, en soutien logistique aérien, à partir du Sénégal.

Les Estoniens sont cependant le premier pays européen à avoir des hommes engagés au sol, dans une région — Gao — qui n'est pas tout à fait la plus calme... Le risque est certain. Les Estoniens le connaissent (1), le mesurent et sont prêts à l'assumer. Cet engagement, important pour un pays de cette taille, doit, donc, être salué à sa juste mesure.

Une tradition bien établie ...

On peut préciser aussi que le petit pays balte a été un des premiers à répondre 'présent' pour mettre en place la coopération structurée permanente (PESCO), dans un esprit sans doute plus proche de l'ambition française que certains pays.

... faite de solidarité réciproque

En 2014, l'Estonie avait participé avec une unité d'infanterie de 50 membres à l'opération de stabilisation de l'UE en République centrafricaine (EUFOR RCA). Une opération largement initiée par la France. Tallinn avait même été un des premiers pays à officialiser cette participation (2), suivi ensuite par son voisin, la Lettonie (lire : L’Estonie confirme une participation notable à EUFOR RCA Bangui).

En 2017, la réciprocité avait joué, la France avait décidé d'envoyer à Tapa (Estonie) un détachement de 300 hommes et blindés (véhicules de combat d'infanterie et chars) dans le groupement tactique de l'OTAN présent en Estonie dans le cadre de la présence renforcée de l'Alliance aux frontières russes (lire : Tapa : réassurer l’Estonie… et un excellent lieu d’entraînement). Une présence qui sera renouvelé en 2019.

 

Commentaire : On peut ajouter à tous les arguments indiqués par Tallinn à ce déploiement un autre, sans doute plus local. En montrant qu'ils sont capables de se déployer dans une zone ardue, où le risque est avéré, et le combat probable, les Estoniens montrent à leur grand voisin russe, qu'ils sont prêts à combattre. Cela vaut sans doute toutes les belles déclarations de robustesse. C'est stratégique ... et intelligent.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Les Estoniens ont déjà quelques soldats au Mali, quatre dans le cadre de la mission de formation de l'armée malienne (EUTM Mali) et trois dans le cadre de la Minusma.

(2) Une participation qui n'était sans doute pas tout à fait étrangère au soutien apporté par la France à la libération d'otages estoniens au Liban

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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