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Le navire de Proactiva saisi par les autorités italiennes. L’ONG accusée d’association criminelle (V5)

(crédit : Proactiva - archives)

(B2) Les autorités italiennes ont mis sous séquestre à titre préventif Open Arms, le navire de l'ONG espagnole Proactiva, qui intervient au large de la Libye, à son arrivée au port de Pozzallo, sous le chef « de favoriser de l'immigration clandestine et d'association de malfaiteurs », a annoncé le fondateur de l'ONG, hier soir.

Le viol des lois internationales...

Le procureur public de Catane, Carmelo Zuccaro (1), accuse l'organisation d'avoir cherché à amener les migrants en Italie, estimant que l'ONG a violé les lois et accords internationaux en ne remettant pas les migrants aux autorités libyennes. La police italienne a débarqué à bord du navire dimanche matin, pour avoir les papiers et journaux de bord du navire : un équipe mobile de Raguse et le Service central des opérations de Rome (SCO), selon le quotidien Repubblica. Le capitaine Marc Reig et le coordinateur de l'ONG, Anabel Montes Both, ont été priés de venir au poste de police.

...ou un délit humanitaire ?

Les volontaires de l'ONG avaient refusé, jeudi (15 mars), de livrer des réfugiés et migrants qui fuyaient la Libye en bateau, et se trouvaient alors dans les eaux internationales, aux garde-côtes libyens (lire : Un secours a failli tourner mal au large de la Libye. Italie et Malte bloquent leurs ports).

Pour Oscar Camps, le fondateur de l'ONG, « protéger la vie humaine en mer devrait être la priorité absolue de tout organe civil ou militaire qui se respecte, qu'ils s'appellent garde-côtes, secours en mer ou marine. Ceci est également stipulé par le droit de la mer » a-t-il indiqué sur son fil twitter. « Empêcher le sauvetage de vies en danger en haute mer afin de les renvoyer de force dans un pays dangereux - comme la Libye - équivaut à un retour en force, contrairement à la loi sur les réfugiés de l'ONU ».

Un incident suivi de près à Bruxelles

Du côté de la Commission européenne, on affirme « suivre de près cet incident depuis vendredi ». « Nous avons été en contact avec les Italiens tout au long de cet incident. Le commissaire Dimitris Avramopoulos [en charge des Migrations] s'est notamment entretenu avec le ministre [italien de l'Intérieur] Marco Minniti vendredi » a indiqué Natasha Bertaud, la porte-parle de la Commission sur les questions de migration, lors du point de presse de midi (lundi 19 mars). « Nous nous félicitons du fait que le bateau ait pu finalement débarquer vendredi et que les migrants à bord aient reçu les soins dont ils avaient besoin. »

Les ONG doivent respecter le code de conduite

Mais la Commission a tenu aussi à rappeler les ONG à la raison et au respect du code de conduite mis en place par les autorités italiennes (avec l'aide de la Commission européenne). « Nous sommes tout à fait conscients qu’il existe un code de conduite italien qui vise à éviter justement ce genre de situation. Nous appelons toutes les parties dans le futur à respecter non seulement le droit international mais également ce code de conduite italien. » Et de réitérer sa confiance « aux autorités italiennes de gérer la situation [car] c'est leur compétence. »

Un secours attribué au MRCC libyen

Selon nos informations, le centre de coordination de secours (MRCC) de Rome a d'abord attribué l'opération de sauvetage à l'ONG Proactiva avant de se raviser ; c'est le MRCC libyen qui a été chargé de coordonner les opérations avec leurs équipes de garde-côtes. « Et le bateau de l'ONG a bien été informé que les Libyens avait pris l'incident en charge » comme nous l'a confirmé une source européenne. L'incident se déroulait bien « à 40 miles » des côtes libyennes a confirmé à B2 une source européenne. C'est-à-dire « dans la zone de secours (SAR) libyenne et, en tout cas pas dans la zone italienne [de secours] ni dans la zone maltaise ».

La protection consulaire espagnole activée

Du côté espagnol, le ministère Alfonso Dastis l'a confirmé ce lundi (matin) en arrivant au Conseil, le consulat de Naples et le consul honoraire à Catane sont en contact avec le capitaine du navire, qui a déjà une avocate, « pour clarifier l'accusation extrêmement grave » dont est l'objet l'ONG et « essayer de clarifier tout problème ». Quinze eurodéputés ont signé, de leur côté, une lettre à la Commission européenne lui demandant ce qu'elle compte.

La fin de l'intervention des ONG

Cette mise sous séquestre sonne-t-il en quelque sorte la fin de l'intervention des ONG dans la zone ? On peut le penser du moins, c'est un sacré rappel à l'ordre italien... et européen.

(Nicolas Gros-Verheyde avec CB et LH)

(1) Un juge anti-mafia réputé, ancien de la Guardia di Finanza, qui avait été un des premiers à avoir proféré des accusations de collusion avec les trafiquants contre les ONG. Accusation qui n'a pas été suivie d'effet ensuite.

Mis à jour à 15h, 16h, 17h et 20h (MRCC, ministre espagnol des affaires étrangères, eurodéputés, zone du navire)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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