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Une circonscription unique en France aux Européennes 2019

L'élection des eurodéputés français se fera selon une circonscription unique en 2019 et non selon des circonscriptions régionales (crédit : Parlement européen)

(B2 avec AFP) L'Assemblée nationale a voté mardi soir (13 février) la mesure phare du projet de loi sur "l'élection des représentants au Parlement européen" : le retour à une seule circonscription, nationale. Ce malgré l'opposition de la droite Les Républicains (LR) qui a dénoncé une "déconnexion des territoires".

Les députés ont validé l'article 1er du texte, qui indique que "la République forme une circonscription unique", l'ensemble du projet devant faire l'objet d'un vote en première lecture mardi prochain. Une série d'amendements, défendus principalement par des élus LR, visant à supprimer cette disposition (rejetés par 100 voix contre 40). Idem pour les amendements LR visant à créer des circonscriptions correspondant aux 13 régions actuelles, plutôt qu'une circonscription unique.

Le moyen d'intéresser les Français

A l'ouverture des débats, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, avait défendu la circonscription nationale comme un moyen "d'intéresser" les Français à ce scrutin et de relancer la participation au printemps 2019. Le rapporteur Alain Tourret (LREM) a, lui aussi défendu cet article "essentiel", et souligné à l'attention de LR qu'il n'y avait "pas eu un rapprochement extraordinaire de l'électeur et de son député" avec le système fondé sur huit circonscriptions interrégionales mis en oeuvre en 2003.

La droite opposée au texte

Nombre d'élus LR sont montés au créneau, leur chef de file Christian Jacob déplorant notamment qu'"au moment où on a besoin de rapprocher les parlementaires du terrain, on les éloigne". Il a dénoncé "des motifs purement électoraux" derrière ce changement, la majorité ayant, selon lui, "une difficulté à trouver des têtes de liste régionales qui aient un ancrage territorial". Il a fait un lien avec les récentes élections partielles qui ont vu les candidats LREM battus, lançant à l'adresse du gouvernement, qu'elles se sont jouées "sur l'ancrage territorial que vous n'aviez pas". "Votre projet, c'est l'association du jacobinisme parisien et de la technocratie bruxelloise, c'est pour cela que nous n'en voulons pas", a lancé Marc Le Fur, tandis que Thibault Bazin a dénoncé un risque de "déconnexion des territoires".

Un soutien à gauche

La circonscription unique a en revanche eu le soutien notamment des communistes et des Insoumis, Loïc Prud'homme (La France Insoumise) y voyant une "mesure de bon sens" même si c'est "sans doute la seule" du texte. Les élus Nouvelle Gauche, pour qui ce retour devrait "inciter à une plus grande participation", ont tenté en vain d'ajouter une circonscription dédiée pour l'Outre-mer, la ministre s'y opposant en invoquant notamment "un risque de censure" du Conseil constitutionnel.

Une réforme du temps de parole dans la campagne

Dans la foulée, les députés ont entamé l'examen de l'article qui met en place de nouvelles règles controversées de répartition du temps de parole pour la campagne audiovisuelle officielle. Le dispositif a été légèrement retouché pour porter notamment de deux à trois minutes le temps alloué à chaque liste. S'y ajouteront deux heures d'émission mises à disposition des présidents des groupes à l'Assemblée et au Sénat, au prorata du nombre d'élus, "qui seront libres de les répartir entre les différentes listes". Une heure supplémentaire sera répartie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour "garantir le pluralisme". Un dispositif critiqué par des députés de divers bords, notamment Danièle Obono (La France insoumise) qui a jugé que cela allait permettre la confiscation par la majorité de "plus de 50% du temps de propagande télévisuelle".

Commentaire : cette réforme n'est pas que technique. Elle a un effet politique. Tout d'abord, on donne plus d'effet à la notion de proportionnelle. Il lisse les résultats. Les partis qui se situent autour de 10% des voix peuvent ainsi être assurés d'avoir un certain nombre de députés, qu'ils ne sont pas toujours pas assurés d'avoir avec une circonscription régional. Ensuite, il facilite la représentation féminine en permettant à la parité de réellement s'exercer. Enfin, et surtout, il revalorise le sens de la campagne en lui donnant, encore plus qu'hier, la notion de "test" du gouvernement, de réelle consultation nationale. Ce faisant, le choix de la tête de liste, ou le duo de liste, aura une importance primordiale.

(AFP et NGV)

En savoir plus : le dossier de l'Assemblée nationale et la vidéo des débats (articles 1 et 2)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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