Halte aux resquilleurs de l’OTAN (Morawiecki)

(B2) Juste avant son visite officielle à Berlin, ce vendredi (16 février), qui a pour objectif de reconstruire le lien Pologne-Allemagne, légèrement malmené ces dernières années, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki n’a pu s’empêcher, par voie de presse interposée, de critiquer l’Allemagne comme ne dépensant pas assez pour sa défense, mettant en cause les « resquilleurs » de la solidarité (1).
Celui qui dépense 1% au budget est un resquilleur
« Qui met en danger la cohésion ? (NB : de l’OTAN ou de l’Europe) Celui qui dit que chacun doit dépenser 2% pour la défense, pour qu’il y ait une solidarité ? Ou bien celui qui resquille en ne dépensant qu’1% mais qui vit sous le bouclier protecteur [commun] ? », s’interroge ainsi le chef du gouvernement polonais dans une interview publiée jeudi par le quotidien allemand Die Welt. « Celui qui resquille met en danger l’unité de l’Occident », a-t-il ajouté (2).
Un antiaméricanisme inapproprié
Morawiecki a aussi tenu à défendre le président américain Donald Trump, accusant les Allemands d’un anti-américanisme inapproprié. « Si les Allemands connaissent mieux la Russie sous Vladimir Poutine que les États-Unis sous Trump, ce serait « le monde à l’envers ». Dans ce cas, « je peux seulement tenir la tête à deux mains et dire : Sauve qui peut ! ».
Une certaine légèreté européenne
Le Polonais a aussi reproché à l’Europe de prendre à « la légère » les questions de défense, en écho aux critiques du président américain (3). « L’Europe a, jusqu’ici, pris à la légère la défense et vit sous le bouclier de la pax americana », estime Mateusz Morawiecki. L’Europe doit montrer à ses « adversaires que nous sommes sérieux en matière de défense ».
Commentaire : le dirigeant polonais dit ainsi tout haut ceux que d’autres disent, plus discrètement, dans certaines capitales européennes. Mais il semble surtout mettre dans un même équation budget de défense, solidarité transatlantique et vigueur des armées, ce qui est un non-sens stratégique et politique. L’Allemagne n’a cependant pas mégoté sa solidarité prenant la tête d’un bataillon de l’Alliance en Lituanie dans le cadre de la présence renforcée avancée (EFP).
Au-delà de la critique sur le 1% du budget, on peut plutôt lire dans cette diatribe, une critique contre une certaine volonté d’autonomie européenne, dans la même veine que celle que les Américains ont récemment exprimé, encore plus crûment à l’OTAN (lire : Les USA tancent l’Europe. Quand le cow-boy tire son flingue, faut-il avoir peur ?). Ce que critique en sous-main Morawiecki est le nouveau positionnement de la Chancelière allemande Angela Merkel sur la question de la défense : Le soutien américain ne sera pas éternel, l’Europe doit accroitre sa coopération de défense.
(Nicolas Gros-Verheyde, avec AFP)
(1) La visite a pour objet de renforcer « la coopération économique comme politique », a indiqué M. Morawiecki à l’agence de presse polonaise PAP, une coopération « florissante » selon lui au plan commercial (sans doute moins au niveau politique). Au menu de la rencontre également quelques dossiers plus délicats comme la situation de l’État de droit en Pologne, le refus d’accepter des quotas de réfugiés, ou le gazoduc Nordstream 2 reliant la Russie à l’Allemagne, mais aussi sûrement l’avenir des financements européens où la Pologne est un des pays les plus concernés par la baisse des dotations régionales ou agricoles à venir.
(2) Berlin investit actuellement tout juste un peu plus de 1% de son PIB dans la défense, tandis que Varsovie a déjà atteint le seuil de 2%. Le programme de la coalition CDU-SPD ne prévoit pas renverser cette tendance de façon majeure (lire : La Grosse Koalition définit son programme. La Bundeswehr doit devenir une « armée des Européens »).
(3) Les Américains, régulièrement, ont appelé les membres de l’OTAN à augmenter leurs dépenses militaires à 2% du PIB. Donald Trump a simplement fait passer le message de manière plus vigoureuse, visant en particulier l’Allemagne. Lire aussi : L’OTAN obsolète, l’UE trop allemande, le Brexit une bonne chose… Le festival Trump continue