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Iran. L’Europe, droite dans ses bottes, entame un bras de fer avec Washington

(B2) Face aux atermoiements américains, Donald Trump, en tête sur l'accord nucléaire iranien, l'Europe n'a pas vacillé, a tenu un langage, ferme, clair, compréhensible, uni. Sans tâche et sans bavure. C'est assez rare pour être souligné. On a tellement glosé sur l'Europe incapable de s'entendre, de parler d'une seule voix, de tenir une position dure. Sur le nucléaire iranien, ces jours-ci, cela a été le cas.

Un message à plusieurs voix

La Haute représentante de l'UE d'abord, a eu un langage très dur, vendredi lors d'un point de presse tardif, exceptionnel, où en quelques minutes, elle a lancé deux trois remarque cinglantes à l'encontre du président américain. Les trois grands pays (France, Allemagne, Royaume-Uni) signataires de l'accord ensuite ont enchaîné, délivrant un propos plus policé, mais tout aussi ferme. Et les 28 devraient, ce lundi, enfoncer le clou.

Sans tonalité discordante

Aucune voix discordante n'est venu jeter le trouble. De façon assez étonnante. Cependant le contexte aurait pu le suggérer : ne pas soutenir l'allié américain, comme la position d'Israël, ne va pas de soi dans le chef de plusieurs des gouvernements. Personne n'a osé... On ne se retrouve ainsi plus du tout dans la même physionomie qu'il y a quatorze ans au moment de l'intervention en Iraq au prétexte de la présence d'armements chimiques (que démentaient pourtant les inspecteurs de l'ONU). Personne n'a embrayé. Ce qui témoigne d'une certaine façon de l'isolement américain.

Un message direct à Washington

Le message à Washington est direct : vous êtes en train de faire une belle connerie stratégique. « On ne pourra jamais renégocier cet accord » issu de longues années de négociation (plus de douze ans de négociation), qui a abouti à un texte extrêmement détaillé (104 pages), le tout entériné par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée à l'unanimité, martèlent les Européens.

Washington un peu « à côté de la plaque"

« Aucun acteur, aucun dirigeant dans le monde ne peut contester le contenu d'une résolution des Nations unies adoptée à l'unanimité — souligne Federica Mogherini, la Haute représentante de l'Union —. Certes le président américain a de nombreux pouvoirs. Mais il n'a pas ce pouvoir là. »

Penser qu'on peut renégocier l'accord, c'est « être totalement à côté de la plaque » comme le dit ouvertement un haut diplomate européen parfaitement au courant du dossier et dont le langage est d'ordinaire beaucoup plus prudent et châtié du moins en public.

Quelle leçon en tirer ?

Est-ce à dire que le coup de poing de Trump est inutile ? Pas tout à fait. Tout d'abord il a été dosé plus subtilement que prévu. Le président américain décertifie, mais le rétablissement des sanctions nouvelles n'est pas demandé, sauf pour le Corps des Gardiens de la Révolution (1).

Une pression mis par les Américains sur l'Iran

Ensuite, il met la pression sur les Iraniens et les autres partenaires internationaux pour limiter le programme balistique iranien. C'est devenu la question principale maintenant. Enfin, en laissant planer le doute sur le rétablissement des sanctions, il ralentit, quasi mécaniquement les flux d'investissement vers la république islamique et mitige l'enthousiasme que pouvaient avoir des entreprises occidentales à venir s'y implanter.

Le jeu risqué des États-Unis

Washington prend cependant un risque certain : celui de sa fiabilité diplomatique, et de sa crédibilité internationale. Mais ce n'est pas ce que semble rechercher Donald Trump qui préfère d'une certaine façon renforcer le camp des conservateurs en Iran, ceux qui croient qu'aucun accord n'est possible avec les Nord Coréens et que le multilatéralisme n'a aucun avenir.

Des Européens droits dans leurs bottes

A l'inverse, les Européens restent droits dans leurs bottes, assumant pleinement leurs responsabilités au niveau international. C'est une maigre consolation. Mais elle est certaine. Encore une fois, on peut dire "merci" à Donald Trump. Il est en passe de faire davantage pour l'unité des Européens et leur rémanence dans le monde que tout autre traité international.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi : Ce n’est pas aux Etats-Unis de décider seuls de changer un deal international (Mogherini)

(1) Le Corps, qui est un important pilier de la vie politique, militaire et économique en Iran, a été qualifié d'entité terroriste. Il fait déjà l'objet de plusieurs mesures restrictives de l'Union européenne (le Corps lui-même, ses branches militaires ou filiales économiques) mais pas au titre d'entité terroriste. Cette qualification aurait un effet politique, mais aussi technique plus important. Lire : Les sanctions européennes contre les Gardiens de la révolution

 

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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