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La conférence interparlementaire de l’UE interdite aux journalistes

(B2) La présidence estonienne de l'UE a décidé d'interdire la présence des journalistes à la conférence interparlementaire sur la PESC et la PSDC. Un dispositif exceptionnel qui crée un précédent et constitue une violation des règles démocratiques en usage au niveau européen pour la couverture presse.

Une mesure contraire aux usages... et aux valeurs

D'ordinaire, les journalistes ont accès à la conférence, la salle, le lobby, les couloirs annexes, comme c'est le cas pour toutes les séances (commission, plénière) du Parlement européen. L'intérêt est triple. Cela permet de voir tout ce qui se passe dans la salle, et pas uniquement ce qui est retransmis sur l'écran principal, avec les interjections, les débats, l'ambiance dans la salle, le nombre de parlementaires, etc. (tout aspect qui ne peut être couvert par une caméra). Cela permet aussi de pouvoir rencontrer les parlementaires, les intervenants, de façon libre et facile, avec toutes les règles journalistiques en usage. Cela permet d'accéder aux documents de séance (du moins ceux qui sont publics). Enfin, c'est un principe même démocratique : la tenue publique des débats.

 

La présidence estonienne a décidé de s'affranchir de ces usages et de ces règles démocratiques, en toute impunité, prétextant que c'est « l'Estonie qui organise la conférence » et que « c'est le Parlement estonien » qui fixe les règles d'organisation. Une erreur organique : la conférence interparlementaire PESC - PSDC qui regroupe délégués des parlements nationaux et délégués du Parlement européen est issue de la dissolution de l'ancienne assemblée parlementaire de l'UEO et représente un compromis entre ceux qui désiraient un rôle exclusif du Parlement européen et ceux qui voulaient préserver l'espace de discussion pour les Parlements nationaux. Le principe de l'accès libre à la presse.

Un faux prétexte

Aucune explication officielle n'a vraiment été donnée. L'organisateur de la conférence a avancé d'abord le prétexte qu'il n'y a « pas de place » dans la salle de conférence (ce qui est faux!, j'ai pu vérifier par moi-même) et que la retransmission vidéo (streaming) dans un petit espace dévolu aux journalistes à l'autre bout de l’hôtel Hilton était suffisante (1).

Commentaire : cette attitude est pour le moins étonnante. Au moment où l'Estonie ne cesse de parler de menaces hybrides, de possibles tentatives de désinformation de la part de la Russie, jeter ainsi un voile d'opacité sur une conférence parlementaire consacrée à la défense européenne est plus que maladroit, il est dangereux. En fait, cela tient plutôt d'un vieux réflexe, digne de l'époque soviétique : le "journaliste" est considéré comme un "être suspect" dont il importe qu'il soit le plus éloigné possible des lieux de discussion politique et qu'il ne puisse, en aucun cas approché, les élus et représentants européens.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) En fait, deux canapés (et trois cacahuètes), dans un coin du corridor de l'hôtel ( (au rez-de-chaussée), le plus éloigné possible de la salle de réunion (qui se situe au 1er) et même du circuit de déplacement des parlementaires (qui du 1er sortent directement sans passer par l'espace presse).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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