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Mélange des genres. Un militaire allemand de la BFA soupçonné de préparer un attentat raciste

(B2) L'affaire fait grand bruit en Allemagne (et bizarrement assez peu en France). Un officier allemand, du 291e bataillon de chasseurs (Jägerbataillon 291) – qui fait partie de la brigade franco-allemande –, basé à Illkirch (près de Strasbourg) (1), est soupçonné d'avoir voulu préparer un attentat.

Soldat le jour, réfugié la nuit

Agé de 28 ans, le lieutenant Franco A menait une double vie. Le jour, il était soldat. La nuit et durant ses périodes de permission, il était David Benjamin (!), chrétien de Syrie, réfugié en Allemagne, vivant dans un foyer de migrants en Hesse... Son statut de demandeur d'asile avait été reconnu en janvier 2016. Une prouesse relativement extraordinaire puisque d'après la presse allemande, il ne parle pas un mot d'arabe. Lors des démarches pour bénéficier du droit d'asile, pour éviter de parler allemand, il a parlé en Français. Une langue apprise en France, à l'école de Saint Cyr Coëtquidan, où il a étudié (cf. ci-dessous).

Une enquête menée en Autriche, en Allemagne et en France

Durant de longs mois, Franco A. a mené sa double vie sans attirer les soupçons. Ce n'est que début février (le 3), qu'il a été repéré par la police… autrichienne. Il tentait de récupérer une arme à feu chargée, de calibre 7,65 mm, cachée quelques jours plus tôt dans les canalisations des toilettes de l'aéroport de Wien-Schwechat (Autriche). Arme pour laquelle il ne disposait d'aucun port d'arme. Arrêté pour contrôle, il a ensuite été relâché mais placé sous surveillance. Le parquet allemand a alors pris le relais, menant une enquête sur le soupçon d'action violente subversive. L'enquête — impliquant les polices de trois pays (Allemagne, Autriche, France) – a abouti à des perquisitions dans 16 habitations au total dans les trois pays puis à deux arrestations. Franco A a été arrêté, mercredi dernier (26 avril) à Hammelburg (Bavière) où il suivait une instruction militaire, en même temps, qu'un étudiant de 24 ans à Offenbach am Main accusé d'être impliqué.

Un mémoire soutenant des thèses racistes soutenus à Saint Cyr

Les enquêteurs ont d'ailleurs (re)découvert le projet de son mémoire de maitrise, soutenu à Saint Cyr en 2014. Un texte qui sera refusé à l'époque et — selon le centre des sciences de l'histoire militaire et sociale de la Bundeswehr (ZMSBw) qui l'a relu attentivement – n'est manifestement pas un travail de qualification académique mais procède d'un nationaliste radical, un appel au racisme, que l'auteur tente de soutenir dans un effort pseudo-scientifique ».

Un réseau d'extrême droite au sein de l'armée ?

Selon notre collègue Thomas Wiegold, de Augengeradeaus, l'enquête en cours semble révéler qu'il ne s'agit pas d'une dérive individuelle. Jusqu'à cinq soldats seraient impliqués et identifiées. Des armes (des Glock G36) auraient été découverts lors de l'enquête, avec des croix gammées.

Une ministre sous le feu des critiques

La ministre Von Der Leyen, qui avait réussi jusqu'ici un parcours sans faute, est sous le feu des critiques. Elle a voulu, à son tour, porté l'estocade mettant en cause l'état-major de l'armée allemande. Sur la ZDF, elle a tenu des propos très durs. « La Bundeswehr un problème d'attitude. Et elle a évidemment une faiblesse de direction à différents niveaux » – mêlant les affaires de harcèlement, de dégradation sexuelle. Ce  jeudi (4 mai), les différents responsables militaires sont d'ailleurs convoqués à Berlin – selon mon collègue Thomas Wiegold – pour discuter des conséquences des incidents accumulés par la Bundeswehr depuis plusieurs mois. En attendant, la ministre a décidé d'annuler une visite prévue aux États-Unis et de faire une visite officielle en France, à Illkirch, sur les lieux même où le jeune officier travaillait...

(Nicolas Gros-Verheyde)

A suivre : le reportage de ma collègue Leonor Hubaut qui suit la ministre Von Der Leyen à Illkirch

(1) C'est la seule unité allemande stationnée sur le territoire français. De façon étrange, ce fait n'a été que très peu commenté. Alors que l'individu a suivi une partie de sa scolarité en France, avec des écrits pour le moins peu républicains, résidait en France, les autorités françaises se murent dans une discrétion quasi-totale, laissant la ministre allemande se dépatouiller avec ses ressortissants.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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