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Avec Macron, la mue de la Ve république ? Le pouvoir passe au Parlement ?

François Hollande recevant le dirigeant ukrainien, Petro Porochenko (crédit : Elysée / Archives B2 octobre 2015)

(B2) La "véritable" élection qui va décider de l'avenir de la France n'est peut-être pas vraiment le second tour des présidentielles de ce dimanche. Elle se déroulera les 11 et 18 juin, lors des législatives.

Un paradoxe

Alors que la présidence de la République est normalement le lieu majeur du pouvoir français, ce n'est plus automatiquement l'élection décisive. Toute la difficulté pour Emmanuel Macron (comme cela aurait été pour Marine Le Pen) sera alors de réunir une majorité suffisante derrière son programme. Un président sans majorité, même avec d'importants pouvoirs, voit son pouvoir réduit de façon drastique aux questions de défense (il reste le chef des Armées) et de présence internationale.

Quatre hypothèses de majorité

Plusieurs hypothèses peuvent se profiler :

1ère hypothèse : la majorité absolue. Dans la foulée de la présidentielle, le mouvement En Marche, qui se transforme en parti social-libéral, arrive à agglutiner sur son nom une majorité absolue. Ce qui s'est, en général, passé, lors des élections précédentes.

2e hypothèse : la majorité participative. "En Marche" obtient une majorité relative largement suffisante pour pouvoir gouverner en obtenant, à la fois, la confiance de l'assemblée et en disposant, soit à droite, soit à gauche des soutiens ponctuels nécessaires pour avoir la majorité de gouvernement nécessaire.

3e hypothèse : la coalition. Emmanuel Macron n'obtient pas la majorité suffisante et doit constituer un gouvernement de coalition avec l'apport des voix socialistes ou des voix de droite. On aurait alors un gouvernement de coalition imposé par la grâce parlementaire.

4e hypothèse : la cohabitation. Soit il n'obtient pas cette majorité, n'arrive pas à constituer une majorité de gouvernement. Et c'est un autre gouvernement qui se constitue, avec un Premier ministre et un programme de gouvernement qui lui sera imposé. La victoire de Macron aux présidentielles aura alors été de courte durée pour imposer son programme. Mais sa figure de président pourrait au final l'emporter, et conduire dans cinq ans, le mouvement En Marche, à une pérennité plus certaine.

Le retour du Parlement

Dans trois de ces quatre hypothèses, le parlement français retrouve un rôle certain qu'il avait perdu ces dernières années, le parti au pouvoir se confondant avec la personne du président de la République et du Premier ministre. La majorité ayant alors un rôle essentiel, soutenir le gouvernement, avec une marge de manœuvre assez limitée aux grognements habituels d'une majorité bousculée par un exécutif. La Ve république pourrait alors évoluer d'un régime présidentiel à un régime parlementaire.

Un test de solidité des partis traditionnels

Les législatives pourraient être aussi le véritable test de solidité, ou de l'affaiblissement des partis de gouvernement (Les Républicains et Parti socialiste). Pour Les Républicains (droite), on peut parier que l'épisode "Fillon" effacé, le parti va retrouver une certaine unité pour partir à la bataille sinon totalement uni, du moins réuni. Chacune des composantes du parti (Fillon, Sarkozy, Juppé, etc.) ayant plus qu'intérêt à trouver dans les législatives l'excutoire à la victoire qui leur a fait défaut aux présidentielles. Dans un pays, aux tréfonds conservateurs, Les Républicains, pourraient alors imposer l'un des leurs au poste de Premier ministre (François Baroin ?) ou, à défaut, constituer une minorité suffisamment forte pour constituer un allié de poids à Macron ou une opposition de poids.

Pour les Socialistes, l'épreuve de force est beaucoup plus vitale. Il faudra que les Socialistes ralliés, ouvertement ou intellectuellement, à Macron, tels Le Drian, quittent définitivement le parti dont ils étaient un des piliers majeurs. C'est un cas de non retour. Et cela pourrait signifier, réellement, l'implosion du parti d'Épinay.

Quant au Front National, son objectif sera désormais de constituer un groupe à l'Assemblée nationale, lui permettant d'avoir au chapitre et d'être l'aiguillon de service d'un gouvernement qui sera toujours tenté d'intervenir en réaction.

L'Europe de la défense, vecteur commun des partis de gouvernement

Dans toutes ces hypothèses, une quasi certitude. Les trois partis de gouvernement (Les républicains, Parti Socialiste, En Marche) partagent, au-delà de leurs différences, une même sensibilité : la défense constitue une priorité majeure. Et sur l'Europe de la défense, leurs propos se rejoignent tous, les différences se calculant au millimètre. Tous sont pour un renforcement des ambitions européennes en la matière, d'avoir une Europe puissance plutôt qu'une molle réunion d'intérêts, un financement et des actions communes... Cela tombe bien car c'est exactement le sentiment qui prédomine à Bruxelles tant au sein de la Commission européenne (JC. Juncker, F. Mogherini, etc.), qui prépare une série de propositions en ce sens, qu'au sein du Parlement européen.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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