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Macron en dur à cuire au Mali

Emmanuel Macron passe les troupes en revue (Crédit: @EmmanuelMacron )

(B2) S'il y a un chef des armées, c'est bien Emmanuel Macron. Le président français l'a martelé lors de sa visite de l'opération Barkhane au Mali, sa première visite à l'étranger (hors berlin) était pour les troupes engagées au Sahel. Et son positionnement se veut robuste. « On ne peut pas manifester quelque faiblesse que ce soit à l’égard de mouvements terroristes »

Un chef de guerre protecteur mais exigeant

« Vous êtes nos sentinelles, notre rempart contre les débordements du terrorisme et du fanatisme. Ici, vous êtes l'avant-garde de la République » a affirmé le président, à Gao, ce vendredi 19 mai. Un discours d'encouragement aux troupes mais aussi toute une gestuelle pour montrer qu'il a les épaules d'un chef de guerre et assoir son autorité. « Je protégerai l’institution militaire. Je la guiderai dans nos interventions. Ma confiance en vous est totale. Je serai pour nos armées un chef exigeant, lucide, toujours présent. Je ne risquerai pas vos vies pour rien. » Les images parlent d'elles-mêmes : survol à basse altitude, casque sur les oreilles, de la base militaire des forces françaises, discours avec le dessert de fond, salut et selfies avec les soldats, repas partagé au mess

L'engagement français au Sahel se maintient

« L’opération Barkhane ne s’arrêtera pas tant que le terrorisme ne sera pas éradiqué » dans la région sahélienne. Au niveau militaire « nous serons intraitables. Nous avons besoin de poursuivre et d’accroître notre engagement. [Il] restera de haute intensité ici au Sahel comme dans d’autres opérations. »  Il a également mis l'accent sur « le continuum » entre l’action de Barkhane et le développement « pour assécher les raisons d'être du terrorisme ». Emmanuel Macron veut aller vite. Il a déjà annoncé le déblocage de 470 millions d'euros d'aide pour la région. Reste à déterminer quelles conséquences cela pourra avoir pour l'opération Barkhane. Pour l’heure, a expliqué au Monde, Jean-Yves Le Drian, aujourd’hui ministre des affaires étrangère, « je ne lui ai pas présenté d’options, je laisse le président se faire une idée de la situation ».

« Tout ce qui est fait sur le terrain serait éphémère si nous n'étions pas décidés à investir dans les infrastructures ou l'éducation. Je veux agir vite, fort et de manière déterminée sur le plan politique et militaire, et agir dans la durée sur le plan du développement. Les terroristes prospèrent sur la misère. Nous avons un travail de développement de long terme à conduire. »

Les Européens doivent s'impliquer davantage

Au Sahel, les Européens sont arrivés dans « la continuité des efforts » français, pour Emmanuel Macron. S'il a salué « les décisions politiques courageuses » des Pays-Bas et de la Suède, qui « ont montré la voie » et de l’Allemagne – qui « a répondu présent et démontre aujourd’hui son sens des responsabilités et son esprit de solidarité » – il souhaite une « plus grande implication » des Européens dans l’engagement militaire au Sahel. Notamment de l’Allemagne. « Je souhaite que l'engagement allemand puisse s'intensifier. » Une question « longuement évoquée » avec la chancelière Angela Merkel lors de ses derniers entretiens. « Nous avons décidé de renforcer encore notre coopération en vue d’aider les pays de la région. » Il est ici question de « mois » car il faut d'abord « sortir du cycle des violences et créer les conditions d’une paix durable au Mali ».

Faites la paix « sans barguigner »

« Si nous voulons réussir au Sahel, nous devons dans le même temps gagner la guerre et gagner la paix. » Or cette paix, est aux mains des Maliens. Emmanuel Macron a exprimé une certaine impatience. A son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta, venu l'accueillir, il demande un véritable effort pour « accélérer » la mise en œuvre « intégrale, rapide et cohérente » des accords de paix d'Alger. « On sait où sont les difficultés et ce que nous devons faire. Faisons-le sans barguigner. » Aux Maliens de « prendre – eux aussi – leurs responsabilités ». Une « exigence renforcée » qu'il étend aux « pays du Sahel et à l’Algérie ». « Je n’enverrai pas nos soldats se faire tuer si tous les gouvernements responsables de la situation localement ne prennent pas l’intégralité de leur responsabilité. » NB : Au discours, s'ajoute la symbolique de cette visite, dédiée aux forces françaises et évitant tout passage par Bamako. Élément supplémentaire de pression.

Appel au renforcement du G5 Sahel

Emmanuel Macron a, en outre, annoncé qu'il participerait « dans les prochaines semaines » à une réunion du G5 Sahel sur la lutte contre les groupes djihadistes opérant notamment au Mali, et que la France renforcerait son engagement à ce titre « en lien très fort » avec l'organisation régionale. « Notre action doit permettre le développement, qui aide les États du Sahel à vivre mieux pour assécher les raisons d'être du terrorisme. Le chemin à parcourir est long : il suppose une feuille de route politique, diplomatique. » Et c'est de cela qu'il veut parler « franchement » avec les chefs d'États de la région.

(Leonor Hubaut)

Télécharger l'intervention d'Emmanuel Macron

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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