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Former sans équiper ! C’est comme verser de l’eau sans un verre

Verrait-on des casques bleus, sans cartes, sans crayon et sans véhicule... ? Pourtant c'est ce que font actuellement les Européens avec les forces africaines, former... sans équiper (crédit : DICOD / EMA - casques bleus de la Finul au Liban)

(B2) S'exprimant à Malte, lors de l'assemblée parlementaire sur la politique de défense européenne, le député français (socialiste) Joaquim Pueyo n'a pas mâché ses mots sur l'action de l'Union européenne au Sahel. Un sujet qu'il connait bien pour avoir été à Bamako l'année dernière « afin d'évaluer les missions EUTM Mali et EUCAP Sahel Mali » dont l'objectif est la formation de l'armée et des forces de sécurité intérieure maliennes.

Un contexte juridique qui interpelle

« Même si l'implication de leur personnel doit être saluée, ces deux missions et en particulier EUTM Mali s'exercent dans un contexte juridique qui doit nous interpeller. L'UE ne peut juridiquement financer les dépenses militaires. Elle forme les soldats maliens mais ne peut leur fournir les armes et munitions nécessaires à leur entraînement » a expliqué le député de l'Orne.

Une formation sans équipement

« Pire encore, une fois formés, ceux-ci rejoignent une armée malienne sans équipement, l'État malien n'ayant pas les moyens de les acheter. Le Mali mais aussi le Tchad ou le Niger, veulent des armes, des munitions, mais aussi des moyens de transmission, des véhicules blindés, des équipements de vision nocturne, etc. afin de combattre, avec les forces françaises de l'opération Barkhane, les groupes terroristes qui les menacent et nous menacent. Et l'Europe est incapable de les leur fournir. »

L'Europe incapable même de payer des trousses de premier secours !

« Sans aller jusqu'à fournir des armes et des munitions, il me semble nécessaire que l'Union finance certaines dépenses ayant un objet militaire. Pour ne prendre qu'un exemple édifiant, les trousses de premiers secours fournies aux militaires maliens dans le cadre d'EUTM Mali ont dû être payées par... le Luxembourg ! » explique le député.

Une initiative CBSD en deçà des enjeux

Une problématique que l'on connait bien au niveau de l'Union européenne. C'est tout le sens de l'initiative, dénommée CBSD (1), proposée en juillet 2016, et actuellement en discussion devant le Parlement européen. Elle vise à permettre le financement d'un minimum d'équipement (non létal) pour les forces armées. Mais cette initiative se heurte encore à quelques résistances, assez surréalistes parfois, comme l'ont prouvé les derniers débats au Parlement européen (lire : Pas de confusion, la CBSD n’est pas soumise aux critères « DAC »). Et, selon le député Pueyo, elle est insuffisante. « L'initiative CBSD est une première réponse mais elle n'est pas encore actée. Elle restera malheureusement en deçà des enjeux et des demandes de nos partenaires africains. »

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Capacity building in support of security and development. Un acronyme anglais intraduisible en français courant. J'offre un café à celui qui m'offre une traduction en français compréhensible dans le sens commun !

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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