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Les premiers garde-côtes libyens diplômés !

Le salut fraternel entre les deux marines libyennes et italiennes (crédit : Marine italienne)

(B2) Ils étaient presque 90 sur le San Giorgio, le navire italien de débarquement, ancré dans le port de la Valette (à Malte), à se voir remettre par la Haute représentante de l'UE, Federica Mogherini, leur diplôme de fin de formation ce mercredi (8 février) (1).

Ces 89 garde-côtes, marins et officiers de la marine libyenne ont suivi des cours théoriques et pratiques, durant plusieurs semaines, avec leurs collègues européens (à bord du San Giorgio et du navire néerlandais Rotterdam), avec plusieurs modules à leur programme. Objectif : acquérir toutes les notions de secours en mer, mais aussi de contrôle du trafic maritime, d'intervention à risque — parmi des réfugiés qui comptent femmes et enfants —

Une capacité à opérer dans les eaux territoriales

C'est la première cérémonie du genre. Et une petite fierté certaine pour tous les hommes engagés dans l'opération Sophia (EUNAVFOR Sophia). Chacun sait en effet que la lutte contre les réseaux de passeurs et autres trafiquants au large de la Libye, comme le sauvetage des nombreux navires transportant des migrants, menée par les Européens est un puits sans fond, si les Libyens ne prennent pas le relais rapidement (2).

C'est « une priorité pour l'Union européenne » a d'ailleurs souligné Mogherini. « Ce ne sont pas seulement des diplômes que nous remettons aujourd'hui » mais ce que nous permettons aussi c'est de développer « une capacité à opérer dans les eaux territoriales le long des côtes », a-t-elle ajouté s'adressant aux garde-côtes et marins mais aussi à leur chef, le Commodore Abdalah Toumia. Cette « capacité libyenne vise à sauver des vies et lutter contre la contrebande humaine mais aussi de sécuriser les côtes libyennes contre le trafic illicite d'armes, de drogues et de pétrole ».

Au tour de l'Est libyen maintenant ?

L'ambition pour les Européens est de répéter cette formation pour une nouvelle série d'environ 80 stagiaires provenant, cette fois, du secteur "Est" des garde-côtes libyens. Un point notable pour les Européens. « C'est la première fois que le chef de la garde-côte libyenne a spécifiquement demandé de coopérer avec l'Est. Et cela pourrait être un important signe d'une nouvelle volonté de construire une capacité maritime complète, tout au long de la côte libyenne » avait indiqué précédemment le contre-amiral Credendino, dans un compte-rendu fait aux ambassadeurs de l'UE, selon nos informations. Une gageure cependant du point de vue de la sécurité comme de la fiabilité des stagiaires. Les deux bouts de la Libye ne se parlent plus vraiment. « La procédure de vérification (vetting) des garde-côtes pourrait probablement être plus difficile car les contacts de la garde-côte libyenne avec ces secteurs sont moins fréquents ».

En attente des navires

Il s'agit aussi pour les Européens de tenir leurs engagements désormais. Les Libyens attendent de se voir livrer les douze navires qui sont actuellement retenus (en Tunisie notamment). Le gouvernement italien a promis de procéder à ces équipements. Encore faut-il obtenir du comité des sanctions de l'ONU, l'autorisation de livrer ces navires. La Libye est encore, en effet, officiellement, sous l'objet de l'embargo sur les armes, imposé lors de l'opération d'interposition menée par l'OTAN et la communauté internationale en 2011. Ce qui ne doit pas poser trop de problème... normalement.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : Tous les visages des garde-côtes et marins libyens sont floutés. Question de sécurité pour eux-mêmes et leurs familles.

(1) Le Premier ministre maltais, Joseph Muscat (qui assure la présidence tournante de l'UE) était présent ainsi que la ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti. L'effort principal dans la formation ayant été fait par les Italiens.

(2) Du côté européen, on sait très bien que l'autorisation de pénétrer dans les eaux territoriales ne pourra que difficilement être donné par un gouvernement libyen, encore précaire, et très chatouilleux sur sa souveraineté. Tout l'effort est donc de permettre aux Libyens d'avoir les moyens d'agir dans leurs eaux. Et, à ce moment-là, il sera peut-être envisageable d'aller vers une coopération entre les marines, permettant de coopérer dans les eaux territoriales libyennes, sous plusieurs conditions (notamment le respect de l'autorité et du commandement libyen).

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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