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Sea Guardian : une opération à envergure limitée – exclusif

Le ravitailleur, un moyen rare qu'il convient de mutualiser au maximum (crédit : EUNAVFOR Med /Archives B2 septembre 2016, le Garibaldi ravitaillé)
Le ravitailleur, un moyen rare qu'il convient de mutualiser au maximum (crédit : EUNAVFOR Med /Archives B2 septembre 2016, le Garibaldi ravitaillé)

(B2) La nouvelle opération de l'OTAN en Méditerranée (Sea Guardian), même si elle a été annoncée et lancée officiellement, est loin d'avoir atteint sa pleine capacité, selon nos informations. Et son efficacité est, pour l'instant, assez théorique

Une opération clignotante

En fait d'opération, il s'agit, pour l'instant, davantage d'une activité de soutien, qui fonctionne par intermittence. La contribution des pays devrait être dépendante des navires qui passent dans la zone, qui prêteront alors leur concours, au besoin. L'opération ne serait ainsi active que deux semaines sur deux mois, durant la première période.

  • NB : cet abaissement de l'ambition de l'opération serait en partie due — selon certaines sources à l'Alliance — à la volonté de ne pas fâcher la Russie par une présence trop marquée de l'Alliance en Méditerranée, face à certains pays (Syrie, Egypte, Libye) considérés comme sensibles pour les forces russes.

Mutualiser les besoins de ravitaillement

L'opération Sea Guardian permettra cependant de mutualiser les besoins. Ainsi quand un navire ravitailleur passera en Méditerranée, quelle que soit sa nationalité, il pourra ravitailler aussi bien les navires de l'opération européenne que ceux de l'OTAN actifs en mer Egée, ou les autres navires présents dans la zone. Un peu à la manière de ce qui se passait dans l'Océan indien, pour les opérations anti-piraterie, où le ravitailleur pétrolier de passage approvisionnait tous les navires alliés des trois opérations alors présentes (CTF 151, Ocean Shield, EUNAVFOR). Un navire ravitailleur est un bien assez rare dans les marines, et le mettre à disposition pour une seule opération (OTAN ou UE) est couteux en termes de capacités comme au plan financier.

Un cadre pour les échanges d'informations

L'opération va surtout offrir un cadre pour la surveillance et l'échange des informations — dans un sens comme dans l'autre — permettant de mieux surveiller certains trafics (d'armes, de migrants ou autres...). Ce qui va notamment permettre aux "Européens" de bénéficier de certaines informations recueillies par les navires américains (du moins celles qu'ils voudront bien échanger).

La leçon : l'OTAN suit l'UE

La mise en place de cette opération est intéressante d'un point de vue politique. Dans les années 2000, l'Union européenne a parfois relayé l'OTAN dans des opérations de moindre envergure, essentiellement au plan terrestre dans les Balkans, ou a complété l'action de l'Alliance au plan civil (Afghanistan).

Aujourd'hui, dans les opérations maritimes essentiellement, que ce soit pour la lutte anti-piraterie dans l'Océan indien (Atalanta/Ocean Shield) ou la lutte contre les trafics en Méditerranée (Sophia/Sea Guardian), c'est autour de l'Union européenne que se crée le noyau dur de l'opération (avec le maximum de moyens). Et l'OTAN apporte une contribution, spécialisée, assez minimale. Il en est de même pour les missions de formation militaire, particulièrement en Afrique, où l'UE a acquis un savoir-faire et une autonomie d'action que n'arrive pas à atteindre l'OTAN car elle ne dispose pas de la panoplie des outils européens.

Un partage des tâches égalitaire

On est ainsi entré dans une logique de partage des missions/opérations à géométrie variable, assez égalitaire finalement. L'organisation qui a le "lead" est celle qui est la plus qualifiée dans la fonction, à la fois au plan technique ou politique. Même pour des tâches de police armée ou de coopération militaire, ce n'est ainsi plus automatiquement l'Alliance atlantique qui apparait la plus outillée. Cette fameuse prise en charge par l'Europe de ses responsabilités sécuritaires — tant demandée par les responsables politiques et outre-Atlantique — est, certes, encore limitée. Mais cette évolution révèle une prise de conscience et une prise en charge croissantes.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi : Exit Active Endeavour. L’OTAN met en place Sea Guardian en Méditerranée. Hiatus en mer Egée*

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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