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Trump élu, l’Europe va devoir se bouger les fesses !

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Crédit : US White House / vue sur Anchorage (Alaska) du Air Force One aoput 2015

(B2) L'élection de Donald Trump à la présidence américaine va obliger les Européens à réviser leur politique étrangère et de défense. Même si les déclarations de Donald Trump sur l'OTAN peuvent apparaître comme des propos de campagne (lire : L’Amérique « en premier », de Trump. Pour l’Europe, un certain langage de la vérité), il ne faut pas s'y tromper. Une réflexion doit s'entamer très rapidement au niveau des 28 (27) Etats membres et déboucher sur des décisions...

Les Européens n'ont plus désormais une assurance tous risques dans l'OTAN. Soit ils investissent durablement et de façon plus décisive dans l'Alliance atlantique pour assurer leur propre défense, soit ils optent pour un certain fatalisme et neutralisme de bon aloi. Les quelques pays d'Europe de l'Est hostiles à toute défense européenne — comme la Pologne ou la Lituanie — vont devoir réviser leur politique. Ce n'est pas en dépensant uniquement 2% du PIB pour la défense qu'on réalise la défense du continent européen. C'est en ayant des forces capables, formées, interopérables qui ont un certain pouvoir de dissuasion. Aujourd'hui les armées européennes — mise à part une ou deux — n'ont pas ce pouvoir de dissuasion au niveau territorial (malgré 1,4 million de soldats sous les drapeaux !). Et la présence américaine sur le territoire européen apparait toujours nécessaire.

Les Européens doivent définir leur position dans le monde. S'ils veulent peser sur une certaine marche du monde, faire valoir leurs valeurs, ils doivent s'investir davantage, jouer plus soudés, se doter (enfin) des instruments minimaux d'une politique de stabilisation du monde. C'est-à-dire notamment d'instruments de conduite des opérations de stabilisation. Il faut cesser de tergiverser, ne plus écouter les empêcheurs de tourner en rond et autres eurosceptiques en chambre sur la puissance européenne. L'Union européenne doit se doter, maintenant, d'une véritable structure de commandement et de contrôle (C2) de ses opérations de maintien de la paix (1). L'UE doit réfléchir à comment mieux utiliser sa force diplomatique potentielle pour s'investir dans les conflits encore en cours.

3° Les Européens doivent se doter de nouveaux outils d'autonomie stratégique. Il faut arrêter de croire, comme au messie, aux vertus d'un libre échange sans outil de sanctions efficace. L'Union européenne doit ainsi renforcer sa politique anti-dumping et ne plus hésiter à taper fort, en augmentant les droits de douane de façon drastique, en cas de pratique déloyale destinée à capter des marchés. Il ne faut pas être dupe... la destruction de capacités industrielles européennes par une politique de bas prix de pays comme la Chine ou l'Inde n'a qu'un seul objectif : détruire la concurrence avant de remonter les prix. En ne protégeant pas son industrie, au nom d'un irrédentisme idéologique, l'Europe s'affaiblit. Il ne faut pas hésiter non plus à mener des restructurations industrielles pour se doter de vrais champions industriels européens. L'Europe doit être fière de ses Airbus et Ariane — qui sont des vecteurs de croissance — et en mettre en place d'autres. Il ne faut plus hésiter à jouer "groupé" dans un monde divisé. Face à une Amérique qui se veut plus forte, l'Europe doit être plus forte.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) NB : ce n'est pas un grand Quartier général qui est nécessaire comme le présentent ces détracteurs ou le prélude à une quelconque armée européenne avec un commandement centralisé. Il s'agit juste d'un instrument — avec quelques dizaines de planificateurs et experts militaires — permettant aux Européens quand ils décident d'une mission ou d'une opération militaire de stabilisation ou de soutien à la réforme de sécurité de combler le gap entre le niveau de décision politique (établi au niveau des ministres ou des ambassadeurs) et le niveau de commandement tactique (sur le terrain). Refuser cette avancée est incompréhensible...

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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