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Lettre à nos amis européens. Pour tourner la page du Brexit (EuroDéfense)

(crédit : EUFOR Althea avril 2013 / Archives B2)
(crédit : EUFOR Althea avril 2013 / Archives B2)

(B2) Au lendemain du Brexit, nos amis d'Eurodéfense publient une tribune pour voir la défense européenne 'rebondir' après la décision britannique de quitter l'Union européenne. Pour sortir de la « crise par le haut », ils appellent une « grande initiative » en matière de défense. C'est-à-dire mettre en place, enfin, la coopération structurée permanente, penser "européen", en matière de planification des équipements, du développement industriel, du comblement des lacunes existantes, qui reste la première urgence.

Le résultat d'une perte de confiance

Nous prenons acte du vote des électeurs britanniques en faveur de la sortie de l’Union européenne (UE). Ce résultat marque la perte de confiance d’une majorité de citoyens britanniques dans le projet européen et leur réticence à considérer l’UE comme un projet politique, préférant en rester à celui d’un grand marché. EuroDéfense-France regrette le départ d’un grand pays membre, qui constitue un choc politique et psychologique pour l’Europe qu’il ne faut pas minorer. Cependant, il faut en évaluer les conséquences avec réalisme.

Développer un esprit nouveau de coopération avec le Royaume-Uni

La sortie de l’UE du Royaume-Uni entame la crédibilité du projet européen en en réduisant la surface géographique et les données statistiques, mais elle peut aussi libérer la construction d’une Europe plus intégrée, plus politique, et donc plus puissante, en particulier autour de la zone Euro. Et cette Europe-là sera un partenaire incontournable du Royaume-Uni. Sans oublier que les négociations inévitables et complexes qui vont s’engager ont pour origine une initiative britannique, EuroDéfense-France considère qu’il convient d’aborder la nouvelle coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni dans un esprit gagnant- gagnant, en respectant les intérêts de chacun et en ménageant l’avenir, autant qu’il est possible.

Les conséquences du retrait sont à mesurer

S’agissant des conséquences de ce retrait sur la défense européenne, celles-ci doivent être appréciées avec mesure ; le Royaume-Uni reste un pays européen qui ne saurait se désintéresser de la défense et de la sécurité de l’Europe. Ses capacités militaires continueront d’être comptabilisées avec celles de l’Otan qui demeure pour ses membres l’organisation en charge de la défense collective. Ses accords bilatéraux avec des pays européens, au premier rang desquels la France, ne devraient pas en être affectés. Quant à la contribution du Royaume-Uni à l’Europe de la défense (ce qui est fait au sein de l’UE), force est de constater que, bien qu’importante dans les états-majors et au plan diplomatique, elle a toujours été minimale sur le terrain et qu’en outre le Royaume-Uni a toujours été réticent à la constitution d’une capacité militaire européenne autonome.

Sortir de la crise par le haut

EuroDéfense-France propose de sortir de cette crise « par le haut » et demande qu’une initiative forte soit prise par l’UE et ses Etats-membres dans le sens de l’approfondissement politique de l’Union. Il apparaît depuis déjà plusieurs années que l’un des domaines d’approfondissement les plus nécessaires est celui de la défense, alors que l’Europe est de plus en plus menacée par les crises dans son voisinage.

Il est de temps de donner corps à la coopération structurée permanente

EuroDéfense-France estime en particulier qu’il est temps de donner corps au projet de coopération structurée permanente inscrit dans le traité de Lisbonne. Sa finalité doit être de faire de l’Europe un multiplicateur de puissance pour les Etats qui acceptent de mieux mutualiser et intégrer leurs forces. Une Union européenne plus forte sera plus capable d’agir de façon autonome ou au côté de ses alliés pour défendre ses valeurs et ses intérêts.

Un Livre blanc pour considérer globalement les investissements de défense

Par ailleurs, il est indispensable que l’analyse des besoins de défense soit faite au niveau européen en considérant l’UE comme un tout dans lequel les intérêts des nations sont servis par une approche européenne globale et solidaire, via l’élaboration d’un véritable Livre Blanc européen. Seule cette approche permettra de sortir de l’impuissance causée par l’hétérogénéité des politiques nationales et de faire de l’UE un véritable multiplicateur de puissance.

Combler les lacunes les plus urgentes

Pour combler les lacunes les plus urgentes, figurent d’abord l’amélioration du partage du renseignement et la création dans les mois qui viennent d’un système central et permanent de planification des opérations civiles et militaires de l’UE, donnant aux Européens des capacités de décision et d’action autonome pour intervenir partout où leurs intérêts de sécurité sont engagés. Ce dispositif gagnera à être progressivement renforcé par des capacités de commandement et de contrôle des opérations. Ce cadre européen de cohérence devrait permettre aux Etats de définir leurs politiques nationales dans un esprit solidaire et complémentaire.

Jouer la préférence européenne

Cela vaut aussi pour le domaine de l’armement où la volonté d’autonomie européenne devrait se concrétiser par une capacité de financement de la Recherche & Développement sur fonds européens complémentaire des financements des Etats. Cette nouvelle disposition, s’appuyant sur une légitime préférence européenne, constituerait le premier jalon vers l’établissement d’une Base Industrielle et Technologique de Défense Européenne autonome et compétitive et créerait sans doute un intérêt supplémentaire côté britannique pour coopérer avec l’UE.

L'Océan atlantique plus large que la Manche

(Pour notre part) nous souhaitons vivement que les liens créés avec l’association EuroDéfense-UK soient maintenus, afin de permettre à nos amis britanniques de continuer à militer pour que leurs concitoyens reprennent mieux conscience de l’unité de destin de l’ensemble des Européens et acceptent peu à peu l’idée que, quoiqu’il arrive, comme le disait avec humour un membre fondateur d’EuroDéfense-UK, « l’Océan atlantique restera toujours plus large que la Manche ».

Patrick Bellouard, président d'EuroDéfense-France

NB : titres, chapô et intertitres sont de la rédaction

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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