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Erdogan muselle le journal d’opposition. Les Européens (un peu) préoccupés. Tusk silencieux

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Donald Tusk et Recep Tayyip Erdogan à Ankara (crédit : CUE)

(B2) Le président du Conseil européen, Donald Tusk, avait à peine quitté Ankara que le pouvoir turc envoyait la police sur le journal d'opposition Zaman. La justice a nommé un administrateur provisoire à la tête du journal pour en prendre le contrôle. À 48 heures du sommet entre l'UE et la Turquie, cela peut apparaitre à la fois comme une manifestation de force interne mais également une provocation à l'égard des Européens. Sachant que les Européens sont pris à la gorge par la crise des réfugiés, Ankara se sent pousser des ailes.

Face à cela, la réaction européenne a été plutôt mesurée. Le rappel à la liberté des médias est très clair, adressé à un pays tout autant candidat à l'adhésion que membre de la Convention européenne des droits de l'Homme. En fait, seule la Haute représentante de l'UE, Federica Mogherini, a réagi mais pas au nom des 28 (la procédure la plus solennelle) ou en son nom (la voix normale), mais uniquement par le biais de son porte-parole (ce qui normalement en termes diplomatiques et le plus petit dénominateur de la réaction européenne).

« L'UE a souligné à plusieurs reprises que la Turquie, en tant que pays candidat, doit respecter et promouvoir les normes et les pratiques démocratiques élevées, notamment la liberté des médias.  Des médias libres, diversifiés et indépendants constituent une des pierres angulaires d'une société démocratique en facilitant la libre circulation des informations et des idées, et en assurant la transparence et la responsabilité.  Tous les pays, et en particulier ceux qui négocient l'adhésion de l'UE, doivent garantir les droits fondamentaux, y compris la liberté d'expression, et le processus judiciaire, en conformité avec la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH). »

Donald Tusk s'est bien gardé de tout commentaire sur la question préférant mettre en avant sur son fil twitter des photos le montrant en compagnie du président Erdogan et du Premier ministre Davutoglu, voire relater un coup de fil avec le secrétaire général de l'OTAN pour se féliciter de la bonne coopération OTAN-Frontex.

Face à la réelle menace de la crise migratoire et au besoin européen de la Turquie, la liberté de la presse peut bien patienter 48 heures...

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Distribué à plus de 600 000 exemplaires, Zaman est proche de la communauté religieuse de Fethullah Gülen, laquelle a entretenu des liens étroits avec Erdogan pendant plus de dix ans, avant la rupture en 2012, explique Reporters sans frontières. « Depuis plus de trois ans, des médias pro-Gülen ont fait l'objet de suspension de leurs licences officielles et leurs journalistes sont régulièrement mis en accusation. »

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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