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Les Six se rebiffent ! (maj2)

Les six ministres réunis à Rome (crédit : Ministère luxembourgeois des Affaires étrangères)
Les six ministres réunis à Rome (crédit : Ministère luxembourgeois des Affaires étrangères)

(B2) Les six ministres des Affaires étrangères des pays fondateurs de l'Union européenne (1) viennent d'approuver ce mardi (9 février) à Rome une déclaration intitulée « Tracer la voie à suivre » afin de « renforcer la cohésion dans l'Union européenne ». Les Six affirment être très « préoccupés par l'état du projet européen ». Mais ils affirment leur volonté de « lutter pour des solutions européennes » et notamment vouloir poursuivre le travail européen d'une « union sans cesse plus étroite ». Une sorte de réponse à ceux qui prônent une union plus lâche.

L'amorce d'autres engagements ?

Une fois n'est pas coutume, B2 retranscrit de façon intégrale cette déclaration (2) qui est, en soi, un ultime rappel de certains principes connus mais pourrait amorcer d'autres engagements dans l'avenir. Si la déclaration ne contient aucune mention d'un nouveau Traité, c'est dans l'esprit de tous que l'intégration européenne n'est pas morte comme le voudrait le Royaume-Uni. Didier Reynders le rappelle dans une interview publiée par notre confrère du Soir, Jurek Kuczkiewicz (mercredi) : « il y a une volonté d'aller plus loin. (...) Il y aura deux phases : d'abord (voir) comment avancer dans le cadre des traités existants. Ensuite (voir) comment avancer à plus long terme. Si cela nécessite des changements de traités, on sait que ce sera beaucoup plus lourd ».

Une prochaine réunion à Bruxelles

Pour le ministre belge des Affaires étrangères, les Six entendent réagir à un possible frein à l'intégration européenne « Certains peuvent ne pas vouloir aller plus loin, c'est le cas de la Grande-Bretagne et d'autres. Mais sur un certain nombre de sujets importants, nous estimons, nous six, devoir apporter des solutions européennes plus fortes. Ce n'est pas une discussion abstraite pour dire qu'on veut plus d'Europe. On veut une Europe plus forte dans certains domaines. » La prochaine réunion des Six se tiendra d'ailleurs à Val Duchesse, sur les lieux même où a été préparé le Traité de Rome.

Une France à la remorque

On peut remarquer le très faible enthousiasme de la France sur ce sujet. De façon assez notable, les Français d'habitude si prompts à communiquer dès qu'il y a du franco-allemand ou des grandes déclarations sont restés très discrets sur le sujet. « Ce n'est peut-être pas vraiment le bon format » lâche un diplomate hexagonal à l'enthousiasme aussi fort que le condamné à mort qui monte sur la guillotine... Le texte n'a d'ailleurs même pas été rédigé en français. Et la version française était, encore mercredi... inexistante !

Le projet européen préoccupant

Alors que l'Europe se rapproche du 60e anniversaire du traité instituant la Communauté économique européenne, le 25 mars 2017, nous sommes préoccupés par l'état du projet européen. En effet, il semble faire face à une période très difficile. Dans ces moments critiques, nous, en tant que membres fondateurs, nous sentons particulièrement appelés.

Une union sans cesse plus étroite

Nous ne devons pas oublier que l'Europe a dû passer par les conflits violents et une histoire douloureuse avant de poursuivre la voie de l'intégration. Pour de nombreuses générations, l'Europe était simplement un rêve de paix et de compréhension, accompagné par l'espoir de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de la primauté du droit et de la solidarité sur le continent. Le projet européen nous a permis de faire de ces principes mêmes la fondation de notre coexistence en Europe. Ils ont été la base de notre sécurité, la stabilité et la prospérité. Ils sont aussi notre capital pour notre avenir commun. Nous croyons fermement que l'Union européenne reste la meilleure réponse que nous avons pour les défis d'aujourd'hui et permet différents chemins de l'intégration. Nous demeurons résolus à poursuivre le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples d'Europe.

La crise des réfugiés : lutter pour des solutions européennes

L'Europe est un succès lorsque nous surmontons (nos) propres intérêts étroits dans l'esprit de solidarité. Nous devons être prêts à lutter pour des solutions européennes. L'UE est bien plus que la somme de ses 28 États membres. Cela vaut également pour la crise des réfugiés, un des plus grands défis auxquels l'Union européenne est actuellement confrontée. La priorité est de mettre pleinement en œuvre nos décisions communes avec efficacité et humanité. Une meilleure gestion des frontières extérieures de l'Union est essentielle pour rendre plus sûres sans entraver la fluidité du mouvement et de l'acquis de Schengen. L'Europe a besoin d'une approche équilibrée et géographiquement globale, fondée sur la solidarité et la responsabilité. Il est crucial de renforcer la coopération globale avec les pays d'origine et de transit, en vue d'endiguer les flux de migrants en situation irrégulière et à la lutte contre les causes profondes de la migration.

La lutte contre le terrorisme : fondamental

Les récentes attaques terroristes ont ciblé les valeurs fondamentales et les droits de l'homme qui sont au cœur de l'Union européenne - la solidarité, la liberté, y compris la liberté d'expression, le pluralisme, la démocratie, la tolérance et la dignité humaine. Tous les citoyens ont le droit de vivre à l'abri de la peur. Nos valeurs communes doivent être protégées et la violence et le racisme doivent être combattus. Il faut faire davantage pour prévenir la radicalisation et de développer un contre-récit. Cela signifie également la lutte contre les ennemis de nos valeurs fondamentales. Nous avons confirmé la nécessité de renforcer encore la lutte contre les menaces terroristes, en pleine conformité avec les droits humains et la primauté du droit.

L'Union un acteur mondial

Nous avons discuté du rôle que l'Union est appelée à fonctionner comme un acteur mondial. La nouvelle stratégie globale de l'UE sur la politique étrangère et de sécurité va doter l'Union d'une vision actualisée et des outils efficaces pour stimuler son action. Il mettra l'accent sur l'importance de la politique de sécurité et de défense européenne au cœur des engagements européens pour la paix et la stabilité dans le monde. Un voisinage démocratique, stable et prospère est une priorité stratégique et dans l'intérêt fondamental de l'UE.

Nous déclarons et confirmons notre engagement fort pour l'Europe et le projet européen et invitons tous les autres États membres à s'y joindre.

En résumé dans la langue de Shakespeare, cela donne : « We are concerned about the State of the European project (...) We remain resolved to continue the process of creating an ever closer union among the people of Europe. (...) Europe is successful when we overcome narrow self-interest in the spirit of solidarity. We have to be ready to strive for European solutions. (...) We declare and reconfirm our strong commitment to Europe and the European project and invite all other Member States to join. »

(1) Belgique, Allemagne, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas

(2) Télécharger la déclaration en anglais ici. Ce texte a été traduit par nos soins. Il ne représente donc pas une version officielle.

Lire notre analyse :  God save the Queen ! L’Europe à la veille d’une révolution politique ?

(Maj) 10.2 matin avec les éléments de Didier Reynders dans Le Soir

Traduction effectuée par B2, les intertitres sont de la rédaction

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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