Le mécanisme de solidarité sur les “réfugiés” fonctionne-t-il ? Quel pays accueille les Syriens ?
(B2) Le bilan des actions entreprises par les Etats membres au titre du plan "migrations / réfugiés" adopté l'année dernière n'est pas glorieux si on en croit le dernier point dressé par la Commission européenne, ce mercredi (13 janvier).
1. La relocalisation (*) : 272 personnes, seulement, qui se trouvaient en Italie et en Grèce ont été accueillies dans les autres Etats membres sur le chiffre de 160.000, fixé comme objectif en septembre par les 28. Certes l'objectif s'étale sur 2 ans. Mais on est mal parti.
2. La réinstallation (*) : À la fin de l'année dernière, la Commission a reçu confirmation uniquement pour 779 demandeurs d'asile pris en charge et réinstallées sur les 5331 personnes que les Etats membres s'étaient engagés à prendre en charge en 2015. Les Etats se sont fixés un objectif de réinstaller un total de 22.504 demandeurs d'asile syriens, d'ici la fin de 2017 (voir encadré).
3. Les hotspots (centres d'accueil et de tri) : sur les 5 hotspots identifiés en Grèce, 1 seulement « est pleinement opérationnel (Lesbos). Sur les 6 hotspots prévus en Italie, 2 sont opérationnels à ce jour (Lampedusa et Trapani).
4. Les "retours" (= expulsions) : L'Europe a « besoin d'augmenter le taux de retour des personnes qui ne possèdent pas le droit de rester en Europe, vers leurs pays d'origine, en mettant en œuvre le plan d'action de retour et en avançant sur les accords de réadmission et de négociations » souligne la Commission européenne.
Commentaire : c'est un cercle vicieux ! Les hotspots doivent être pleinement opérationnels pour mener à bien la relocalisation. Les deux Etats concernés attendent que le dispositif de relocalisation fonctionne craignant la mise en place de hotspots, aimantant les migrants et demandeurs d'asile, et se retrouvant ensuite dans une situation impossible à gérer. Tout le monde estime qu'il faut augmenter le rythme des retours. Mais les pays d'origine ou de transit ne sont pas pressés de reprendre leurs nationaux (à supposer qu'on puisse identifier le pays d'origine...).
(NGV)
(*) La relocalisation concerne la prise en charge au sein de l'Union européenne de demandeurs d'asile ou personnes ayant besoin d'une protection internationale arrivés dans un des pays membres de la "ligne de front", nommément désignés : l'Italie et la Grèce. La Hongrie a refusé de bénéficier de ce dispositif. La Suède souhaite en bénéficier.
La réinstallation concerne le même type de personnes qui se trouvent, hors de l'Union européenne, dans les camps de réfugiés gérés par le UNHCR ou les autorités locales, en Jordanie, Liban, Turquie. Ce double effort vise essentiellement à prendre en charge les Syriens, victimes du conflit, mais aussi certaines autres nationalités victimes des conflits. Il ne s'agit pas de prendre en charge (normalement) les migrants économiques.
Qui recueille les réfugiés syriens en Europe et ailleurs ?
Il y a près de 4,6 millions réfugiés syriens recensés officiellement par le Haut commissariat aux réfugiés (UNHCR) aujourd'hui (à la fin novembre 2015, *). La majorité dans les pays voisins. La Turquie accueille ainsi plus de 2 millions de réfugiés (chiffre Croissant rouge turc), le Liban presque 1,1 million personnes (chiffre officiel, la réalité semble plus proche de 1,4 million), la Jordanie au moins 600.000 personnes, l'Irak presque 250.000 personnes (majoritairement dans la région autonome du Kurdistan **), l'Egypte, environ 120.000. Etc.
L'Europe - tous pays confondus - a accueilli depuis le début du conflit, 814.000 personnes venant de Syrie qui ont demandé l'asile. Les pays des Balkans (Serbie et Kosovo essentiellement — assurent une grosse part de l'accueil : un peu moins de 300.000 personnes. L'Union européenne et les pays associés à l'Espace Schengen (Norvège, Suisse) ont recueilli 525.000 demandeurs d'asile.
Un chiffre en augmentation continue, qui a augmenté particulièrement à partir de l'été 2014, mais s'est singulièrement accéléré, à partir de l'été 2015 dans toute l'Union européenne, et particulièrement à l'automne 2015. Le nombre de demandes d'asile atteignait ainsi (en cumulé) 317.000 demandes en juin, 369.000 demandes en juillet (+ 51.000), 445.000 en aout (+ 76.000), 540.000 en septembre (+ 95.000), 697.000 en octobre (+ 157.000), 814.000 en novembre (+ 117.000). NB: chiffre arrondi au millier inférieur/supérieur
Au sein de l'Union européenne, la majorité de ces personnes (55%) se retrouvent dans 2 pays : Allemagne et Suède. 5 autres pays (Hongrie, Autriche, Pays-Bas, Danemark, Bulgarie) accueillent un bon tiers des demandes d'asile (31%). Le reste (14%) se répartit dans toute l'Union européenne et associés. Autrement dit : l'effort est (très) inégalement assumé. D'où l'intérêt d'un mécanisme de relocalisation qui fonctionne bien.
NB : ces chiffres sont basés sur le nombre de demandes d'asile. Ce qui ne signifie pas que les personnes voient accueillir leur demande (fort taux de rejet en Hongrie par exemple) et soient finalement accueillies.
(*) chiffres fournis par le HCR à l'aide des synthèses des autres organisations internationales, au 30 novembre 2015...
(**) au 30 décembre 2015
Lire notre dossier N°29. La crise des migrants devenue crise des réfugiés, puis crise tout court
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