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Au Burundi, ambiance de terreur. “On frappait à la porte des maisons, on ciblait”, Maggy Barankitse

Barankitse@RTBF151215
(crédit : RTBF)

(B2) « Le vendredi on frappait à la porte des maisons, on ciblait les maisons, on connaissait les maisons. Et on a ciblé même les maisons des Tutsis. (...) On ne peut pas tuer nos enfants. Ces images sont un scandale ! (...) C'est très grave. En les tuant ils disaient 'appelez l'Union européenne', 'appelez les Etats-Unis', 'appelez Kagamé'. (...) Comment un chef d'Etat peut assassiner au vu et au su de tout le monde. Quelle arrogance ! »

Celle qui parle est Maggy Barankitse, interrogée par nos collègues de la RTBF. Une personnalité charismatique ! La « maman » du Burundi. Elle a notamment recueilli des orphelins hutus comme tutsis durant la guerre civile qui a frappé le Burundi en 1993. On la croyait presque intouchable tant elle est réputée au Rwanda. Elle a fui aujourd'hui, réfugiée en Belgique. Et la maison Shalom qu'elle a créée a vu ses activités stoppées.

Le Cerveau : le président Nkurunziza

Maggy Barankitse n'hésite pas elle ne mâche pas ses mots. « Le Cerveau c'est Nkurunziza. Le président. C'est lui le commanditaire. La Cour pénale internationale devait réagir aujourd'hui avant qu'il ne soit trop tard. Il faut qu'on l'arrête. (...) On dit, nous ne savons pas où commencer. Car le pays est souverain. Donc vous acceptez qu'on tue nos enfants, qu'on nous tue qu'on nous exile. Nous venons ici mendier. Alors qu'on pouvait vivre dans la convivialité. »

Le Burundi est tout petit Un génocide politico-ethnique

« C'est un génocide politico-ethnique. Il va choisir tous ceux qui ont refusé un troisième mandat ». Et d'apostropher la communauté internationale en particulier l'Europe pour son inaction. « Est-ce que vous n'êtes pas allés en Syrie ? Est-ce que n'êtes pas allés en Libye ? Pourquoi n'iriez-vous pas au Burundi ? Il est tout petit le Burundi. Il n'y a pas de pétrole. Mais il y a vos frères et soeurs, vos enfants. Il y a la plus grande richesse que l'humanité a : c'est la personne humaine. Ce n'est pas le pétrole, ce ne sont pas les diamants. Il y a plus que le diamant, il y a plus que çà, il y a plus que çà... ».

L'Europe détourne les yeux

Ecoutez ici, réécoutez ! Car Maggy n'a pas tort. L'inaction semble la règle. L'Europe - qui a autre chose à faire - détourne les yeux et s'en remet à l'ONU qui s'en remet à l'Union africaine, qui attend qu'on lui donne des moyens ou un feu vert. Les ministres des Affaires étrangères de l'UE étaient réunis lundi. Ils n'ont même pas réussi à évoquer officiellement cette question à l'agenda, à condamner de façon vive ce qui se passe au Burundi. Ils se sont contentés d'appeler au dialogue politique (lire sur B2 pro : L’Europe encourage le Burundi au dialogue politique. Un peu court ?). Une incroyable lâcheté.

Le Burundi est trop petit

Maggy Barankitse a raison. Le « Burundi est tout petit ». Il ne menace personne. Que ses habitants meurent, ce n'est pas très grave d'une certaine façon. En tout cas beaucoup moins qu'une barcasse qui se noie au large des côtes européennes... Si l'Union européenne, réunie au plus haut niveau, ces jours-ci, ne trouve pas le moyen d'une part d'adresser une condamnation ferme, sans équivoque, d'autre part de réagir autrement qu'avec trois mots, c'est qu'il ne sert à rien de parler de droits de l'Homme, de rôle dans le monde, de stratégie de sécurité, d'avoir des capacités de maintien de la paix pour réagir en cas de crise (voir encadré) ... Cela ne sert à rien si on n'est pas un tant soit peu capable d'agir sur le Burundi.

(Nicolas Gros-Verheyde)


Le battlegroup européen : un joujou pour faire beau !

Ce sont actuellement les Français et les Belges qui assurent la permanence de la force européenne de réaction rapide jusqu'à fin décembre. On peut comprendre qu'il y ait des considérations technico-politiques qui empêchent le déploiement de ce battlegroup. Surdose d'engagement pour les Français, contraintes politico-historiques pour les Belges avec souvenir dramatique du Rwanda pour les deux. Mais le battlegroup suivant pourrait se déployer. Il est prêt, du moins théoriquement. C'est le battlegroup de Visegrad, les V4 (Pologne, Hongrie, Rép. Tchèque, Slovaquie). Vous savez ces pays qui parlent haut et fort dès qu'il s'agit de l'Ukraine, des réfugiés, de la Zone Euro, des autres qui ne respectent pas les règles. Puis qui viennent pleurnicher dans le giron de l'OTAN ou de celui de l'Europe pour avoir des chars, des hommes, des batteries anti-aériennes, des avions pour renforcer leurs défenses et jouer ainsi du muscle avec les Russes. Des pays qu'on ne voit plus en général dès qu'il s'agit d'agir ! Dès qu'il s'agit d'être solidaire ! Pour eux, le battlegroup est un joujou, destiné à faire beau !


NB : Certains lecteurs pourront être choqués. D'ordinaire, nous ne publions pas des images 'violentes'. Là on ne peut pas faire autrement...

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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