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A Lesbos, une situation inacceptable s’alarme Andriukaitis. Où est l’Europe ?

V. Andriukaitis sur l'ile de Lesbos (Grèce) le 19 novembre (crédit : CE)
V. Andriukaitis sur l'ile de Lesbos (Grèce) le 19 novembre (crédit : CE)

(B2) C'est une lettre pas banale que s'est procurée notre confrère belge, Jurek Kuczkiewicz, qui couvre l'Union européenne pour le quotidien Le Soir. Celle du commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, adressée à son chef, Jean-Claude Juncker Président de la Commission européenne. Ce Lituanien, médecin de son état, est inquiet. Il était à Lesbos le 19 novembre. Et son message ressemble à un cri d'alerte.

Un seul médecin, seul, dans un cabanon boueux

« J’étais sur la côte, un petit bateau est arrivé, il y avait à l’intérieur de petits enfants, des femmes, des bébés, certains malades, certains blessés, d’autres encore tout simplement épuisés, frigorifiés et déshydratés. Il n’y avait pas de lieu où les examiner ni les traiter, pas d’équipement, pas de staff médical à part un médecin volontaire dépassé d’une ONG dans un cabanon boueux. Pas d’ambulance, pas de soins d’urgence, pas de couvertures. »

Trois enfants morts d'hypothermie

Et de poursuivre : « On m’a dit que trois petits enfants arrivés sur la même plage étaient morts d’hypothermie les jours précédents. En effet, je sais en tant que médecin que cela ne prend que quelques minutes pour un enfant de mourir d’hypothermie. Dans un centre de réception à quelque distance de la plage j’ai vu un médecin seul traitant plusieurs patients – dont un bébé de quelques jours – dans une petite tente, sans électricité, sans équipement ni conditions. J’ai vu beaucoup de familles déplacées (...), des enfants d’à peine deux ou trois ans marchant dans le froid, gelés, affamés, malades. Le soir, alors que je grelottais de froid, j’ai été horrifié de voir des gens se préparer pour dormir dehors. »

La frustration des volontaires

« J’ai entendu la frustration de volontaires, d’ONG, de locaux, pas en mesure de sauver des vies d’enfants. » Et d'ajouter comme une apostrophe : « Président, ce n’est pas en Afrique que j’étais la semaine passée, ni dans un lointain pays en développement. J’ai été témoin de cela ici, dans l’Union européenne, sur l’île de Lesbos en Grèce, sur la plage de Skala Sykamias, où les bateaux arrivent, au hotspot de Moria. » 

Où est l'Europe, quand viendra-t-elle ?

« Ceci est inacceptable. Il n’y avait pas de signe d’Union européenne, et les gens me demandaient : quand l’UE viendra-t-elle, quand nous aiderez-vous  ? » L'ancien médecin n'en peut plus.  « Il est inacceptable que des gens meurent de pneumonie juste parce qu’il n’y a pas assez de tentes, de couvertures ni de chaufferettes » en Europe.

Penser à décider en urgence

Pour Vytenis Andriukaitis, il faut penser à agir autrement. « Nous discutons de ce sujet à chaque séance du Collège, mais nous devons envisager des solutions urgentes, des mesures extraordinaires pour des temps extraordinaires. (...) Nous devons peut-être penser à déroger à certaines des règles régissant nos fonds et programmes, afin d’accélérer notre réponse à la lumière de cette tragédie en cours. »

(Nicolas-Gros Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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