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Remember 1956 Viktor Orban ! Quand les Européens étaient un peu plus solidaires

Un train pour la Suisse
Un train pour la Suisse

(B2) Octobre 1956, la révolution de Budapest vient d'être écrasée dans le sang, les frontières sont ouvertes, le régime a laissé les frontières ouvertes, préférant voir passer à l'étranger une majorité de sa jeunesse et les fauteurs de trouble. Près de 200.000 Hongrois fuient en Autriche, d'abord, et en Yougoslavie ensuite, puis sont réinstallés dans plusieurs pays. Une certaine solidarité se met en place...

Un flux régulier et rapide

En quelques jours, entre la fin octobre et le 7 novembre, 15.000 Hongrois arrivent en Autriche, dont 10.000 Hongrois pour le seul week-end du 4 au 6 novembre, témoigne le HCR. La semaine suivante, cela s'accélère. A la mi-novembre, 36.000 réfugiés sont arrivés. « L’exode s’amplifie, atteignant 80.000 fin novembre, avec un maximum atteint de 8500 personnes atteint en une seule journée » écrit Louis Henry dans la revue Population (publié par Persée, télécharger ici). Et le flux continue les mois suivants. Nous sommes en plein hiver. Il fait froid. La neige a fait son apparition. L'Autriche ouvre des camps, des écoles. Les particuliers, les églises se mobilisent. En Yougoslavie, les hotels de la côte sont réquisitionnés pour accueillir les réfugiés. Au total, jusqu’à début mars 1957, 173.000 hongrois arrivent en Autriche, et 18.600 arrivent en Yougoslavie. Vienne et Belgrade accueillent mais demandent l’aide et la solidarité des Européens et des Occidentaux.

La réinstallation non sans difficultés

Un plan de réinstallation est mis en place, non sans difficultés… Une note interne à l'OTAN retrace les appels à l'aide de l'Autriche et de la Yougoslavie et leurs difficultés à prendre en charge cette masse de réfugiés sur une durée longue. « Les gouvernements autrichien et yougoslave ne peuvent à eux seuls prendre soin de ces réfugiés, les entretenir et leur fournir les secours immédiats dont ils ont besoin. (…) En dépit d’une aide financière considérable accordée par les gouvernements et de source privée, les gouvernements autrichien et yougoslave ont jusqu’à présent supporté une part excessive de cette charge » poursuit la note du comité politique de l’Alliance (à télécharger ici).

Des Européens un peu plus solidaires

Mais, à l'échelle de l'évènement, et de la situation d'aujourd'hui, on peut remarquer que la mobilisation et la prise en charge est rapide. « C'était le premier mouvement dans lequel les réfugiés étaient reconnus en masse » souligne António Guterres, le Haut commissaire aux réfugiés (HCR), en 2006, lors de la commémoration des 50 ans de cet exode. « Nous avions réinstallé 100 000 personnes dans les dix premières semaines ce qui, je crois, est inimaginable aujourd'hui. » Fin février 117.000 Hongrois sont ainsi repartis d’Autriche vers plusieurs pays, grâce à une politique de "quotas" d'accueil mis en place.

Mais la France et les Etats-Unis... déjà très pingres

L'accueil est très inégal cependant. En chiffres absolus, ce sont les Etats-Unis (28600), le Royaume-Uni (18700), le Canada (13600), l’Allemagne (11600), la Suisse (10300) et la France (8900) qui accueillent le plus grand nombre des réfugiés en chiffres absolus. Mais, en part relative (par rapport à la population), c’est la Suisse (2000 réfugiés par million d’habitants), Israel (910/million habitants), le Canada (850/million) et la Suède (550 par million) qui font le plus d'effort. Plusieurs pays (Australie, Allemagne, Canada, Royaume-Uni, Norvège, Suède et le Venezuela) lèvent rapidement les plafonds indiqués au préalable ou l'augmentent de façon notable. L'Allemagne (déjà !) s'engage à accueillir, à elle seule, 10% des réfugiés. C'est le seul "grand pays" à dépasser la barre de 500 réfugiés par million d'habitants accueillis. Au final, ce sont les Etats-Unis et la France qui sont les plus pingres, qui accueillent le moins de réfugiés…« Résultat conforme à leur attitude restrictive en matière d'accueil des réfugiés » écrit Louis Henry.

Commentaire : le Premier ministre Hongrois, Viktor Orban, et les dirigeants de l'Est de l'Europe, qui se réunissent en sommet ce vendredi, à Prague, devraient se rappeler la solidarité qui a marqué l'accueil de réfugiés, à commencer par l'Autriche et l'Allemagne qui ont assuré. A l'époque, l'Autriche qui se relevait à peine de la Seconde guerre mondiale aurait pu fermer ses frontières. Et l'Europe aurait pu laisser tomber l'Autriche et la Yougoslavie. Cela n'a pas été le cas... Un peu de décence, et tout simplement de mémoire historique, serait bienvenu de la part de ses dirigeants. Mais le manque de solidarité n'est pas l'apanage des pays d'Europe de l'Est. On peut remarquer la position plutôt gênée, et pour tout dire peu généreuse de la France comme du Royaume-Uni. A l'extérieur de l'Europe, les Etats-Unis tout comme la Russie, qui ont une part de responsabilité dans le drame syrien et sont également membres du Conseil de sécurité de l'ONU, devraient faire un effort notable.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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