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Sécuriser les gares, un peu un casse-tête

Il n'y a pas que le Thalys sur les 22 voies sur la gare du Midi à Bruxelles, difficile à sécuriser de façon absolue (© NGV / B2)
Il n'y a pas que le Thalys sur les 22 voies sur la gare du Midi à Bruxelles, difficile à sécuriser de façon absolue (© NGV / B2)

Sécuriser les gares comme les trains à grande vitesse apparait un vrai casse-tête. La Belgique demande une réunion des pays européens les plus concernés

Réuni samedi matin, en format « conseil national de sécurité », le gouvernement belge, présidé par le Premier ministre, Charles Michel, a décidé «  l’intensification des patrouilles mixtes franco - belges dans les Thalys, le renforcement des patrouilles dans les gares internationales et les contrôles renforcés des bagages. » Ces mesures apparaissent limitées. Mais faire plus parait difficile...

Une gare très difficile à sécuriser

La gare de Bruxelles Midi, où a embarqué le suspect avant de commettre son forfait, paraît difficile à sécuriser. Celui qui fréquente régulièrement cette gare s’en aperçoit vite. Outre l’entrée principale, elle comporte deux entrées secondaires, donnant sur deux quartiers différents. En outre, ce n’est pas une gare terminus mais un point de passage, avec des quais ouvrants de chaque côté. Plusieurs centaines de milliers de navetteurs y passent chaque jour.

Des mesures difficiles à mettre en oeuvre en pratique

Il n’est pas rare ainsi que les quais 3 à 6, dédiés au Thalys et au TGV, reçoivent aussi des trains nationaux (intercity) belges. « Les 22 voies de la gare sont toutes bien occupées » m'a confirmé Pierre Lejeune, secrétaire national de la CGSP Cheminots. « Mettre en place un quai entièrement sécurisé pour les Thalys ou les TGV comme on le fait pour les Eurostar apparaît très difficile. Cela nécessiterait des investissements très importants, du personnel, etc. Et je ne vois pas comment le gouvernement va trouver les moyens en pleine restriction budgétaire. » Un avis partagé également au niveau de la Commission européenne (voir ci-dessous).

 

Des contrôles de ticket

Des contrôleurs des Thalys sont bien présents sur chaque quai avant le départ. Mais ils n’ont pas été formés et ne peuvent pas empêcher un voyageur en possession d’un billet d’embarquer. Quant au renfort de militaires en patrouille dans les gares, son rôle dans la sécurité apparait plus « psychologique » que réel pour les syndicats. En tout cas, il n’a pas empêché le suspect, Ayoub El Khazani, de monter dans le Thalys 9364 de 17h13 vendredi.

Un contrôle "Douanes" dirigé essentiellement vers le trafic de drogues

Dans les trains à grande vitesse, la sécurité reste également délicate. Des équipes des Douanes françaises, avec chiens, sillonnent bien en France régulièrement les TGV en provenance de Bruxelles ou les Thalys en provenance d’Amsterdam. Mais leur objectif reste les passeurs de cannabis ou d’autres produits stupéfiants.

L'exemple de l'aviation pas reproduisible

Un spécialiste européen des questions de transport souligne que mettre en place des portiques de sécurité pour scanner les bagages, avec des contrôles renforcés sur le mode avion ou type Eurostar apparait « difficile à mettre en pratique ». Le nombre de passagers qui transitent par les gares, le nombre de trains, la conception elle-même des gares (qui ne sont pas fermées comme des aéroports mais ouvertes sur la ville)... sont autant de différences avec l'avion. Ajouté à cela, la situation différente au point de vue législatif. Dans l'aviation, existe toute une série de réglementations internationales, notamment autour des règlements IATA. « Nous n'avons pas le même degré de réglementation internationale dans le chemin de fer qui reste encore de façon importante du domaine des Etats membres et une question de souveraineté ».

Le cas Eurostar : une exception

Le cas Eurostar — avec des quais sécurisés, des trains placés sous bonne garde, et un accès réglementé avec des sas spéciaux — est assez unique et justifié car il s'agit d'aller non seulement vers un pays hors Schengen mais aussi de franchir le tunnel sous la Manche. Il est « difficilement transposable ». Et cela représente un certain coût pour les trains qui passent dans le tunnel (cf. le cas de l'ICE allemand qui va bientôt passer par le tunnel). De la même façon, coté européen, « on ne veut pas se diriger vers une solution à la chinoise ou la russe. La solution chinoise n'est pas totalement reproduisible » affirme notre interlocuteur.

Un risque de déplacement de la menace

Ce n'est pas un problème de législation. « Légalement, c’est envisageable mais en pratique cela semble impossible » explique notre source européenne. Car rendre étanche l'accès aux quais, aux trains apparait « disproportionné » par rapport à la menace. Et un rien inutile. « A supposer qu'on sécurise certains trains à grande vitesse, d’autres trains qui circulent quasiment aussi vite resteront non protégés. Les terroristes vont se tourner vers les trains normaux ou le métro. On va juste déplacer le problème. »

Une concertation européenne nécessaire

En matière de sécurisation du trafic ferroviaire transfrontalier, il reste donc encore beaucoup à faire. Le Premier ministre belge a d’ailleurs demandé l’organisation, en urgence, d’une réunion des ministres des Transports et de l'Intérieur des 4 pays européens les plus concernés par la circulation du Thalys (France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas) pour « renforcer les mesures de prévention contre le terrorisme notamment des contrôles d’identités et des bagages ». Réunion qui pourrait être organisée rapidement… Quant à la réunion ordinaire d'octobre des ministres européens du Transport, elle aura aussi comme sujet principal la sécurité dans les transports. Les experts des Etats membres, du groupe de travail "Land Security transport" (Landsec) devraient préparer la réunion.

(Nicolas Gros-Verheyde)

* Article publié dans Sud-Ouest, le 23 août, dans une première version, complétée notamment avec les précisions des experts européens.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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